L’enseignement post-bac doit passer la vitesse supérieure

Sylvie Retailleau

Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

L’enseignement supérieur a pris le virage de la transition écologique. Il lui faut maintenant passer à la vitesse supérieure, comme nous y engage le rapport de Jean Jouzel et de Luc Abbadie (lire les repères). Le but, c’est que d’ici à 2025, tous les étudiants jusqu’en licence, quel que soit leur domaine, bénéficient d’une formation – et pas d’une simple sensibilisation – aux enjeux de la transition écologique et du développement soutenable. C’est aussi de voir se développer des cursus plus pointus, de niveau licence, master, préparant aux « métiers du vert ». La formation de base, destinée à tous, pourra s’effectuer en partie à distance. Nous mettons ainsi à la disposition des établissements de nombreuses ressources pédagogiques sur la plateforme de l’Université virtuelle environnement et développement durable (1). Les personnels, eux aussi, seront formés, dans le cadre de leur formation continue. Le ministère incite les établissements supérieurs à poursuivre la transition déjà amorcée. Les défis environnementaux feront l’objet d’un volet dédié dans les contrats d’objectifs et de moyens que nous passons avec eux. Nous les invitons à répondre à l’appel à manifestation d’intérêt « compétences et métiers d’avenir ». Doté de 2,5 milliards d’euros de France 2030 (le plan de relance post-Covid, NDLR), il accompagne le développement de formations dans des domaines de décarbonation de l’industrie, de verdissement du numérique ou encore l’alimentation durable.

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Nos étudiants s’assurent que le discours et les actes sont alignés

Mathias Vicherat

Directeur de Sciences Po

L’écologie est la première des causes que nos étudiants souhaitent défendre (1). Contrairement à d’autres écoles, Sciences Po n’a pas connu d’appel à la désertion. Mais on y entend des discours très engagés, parfois imprégnés de radicalité – moins dans le choix des moyens que dans la détermination à agir. Ils traquent en permanence les incohérences et les dissonances en matière d’environnement. Pas question de passer d’un cours sur la responsabilité sociale et environnementale à un enseignement de marketing tourné vers la surconsommation. Même chose après l’école : ils s’assurent que le discours et les actes de l’entreprise (70 % des diplômés s’orientent vers le privé, NDLR) sont alignés. Comme le rapport rédigé en 2019 par Bruno Latour (passant en revue les enseignements et la recherche sur les transformations planétaires à Sciences Po, NDLR), ce besoin de cohérence nous sert de boussole. Dès la première année, tous nos étudiants bénéficieront de vingt-quatre heures de cours sur les transformations environnementales et les limites planétaires. Les contenus de nos formations évoluent pour se saisir de cette dimension. Et grâce aux investissements d’avenir, comme au mécénat privé, nous recruterons d’ici cinq ans au moins 30 universitaires spécialistes de la transition écologique. Une vingtaine d’enseignants-chercheurs travaillent déjà sur ces thématiques. De quoi faire de Sciences Po l’université de France, sinon d’Europe, la mieux dotée dans ce domaine. Cela répond à des considérations éthiques et aussi aux attentes du marché du travail, qui a de plus en plus besoin de professionnels formés à ces enjeux.

(1) Une jeunesse engagée. Enquête sur les étudiants de Sciences Po (2002-2022), Martial Foucault et Anne Muxel, Les Presses de Sciences Po, 240 p., 17 €.

(1) www.uved.fr