(Portrait) Adeline Tillier, bâtonnière de Roanne

À 38 ans, Adeline Tillier a pris les rênes du barreau de Roanne pour le mandat 2022-2023. Une jeunesse qui la pousse à redoubler d’énergie pour faire ses preuves auprès de ses confrères. Portrait.

 

Adeline Tillier l’assure : au bout de 12 ans d’exercice, elle aime toujours autant son métier. Et ce, malgré les nombreuses réformes qui sont venues perturber son exercice au quotidien et le « manque de reconnaissance » face à l’adaptabilité dont ont dû faire preuve les avocats de son barreau et d’ailleurs. Malgré, également, une clientèle qui se montre de plus en plus impatiente, allant parfois jusqu’à l’agressivité verbale… « Face à ce genre de comportement, il faut se montrer pédagogue et tenter de les rassurer », commente l’avocate. « Il est important de toujours maintenir le lien, et d’expliquer pourquoi on peut parfois être en retard ou pourquoi un dossier peut prendre plus de temps qu’un autre. » Pas de quoi décourager cette native de Roanne qui, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, a toujours souhaité exercer la profession d’avocat. « Je me suis d’abord intéressée aux affaires criminelles ; j’étais passionnée par les récits d’audience des journalistes dans la presse locale », raconte-t-elle. « C’était ma lecture du mercredi ! »

 

Question de confiance. Après avoir fait sa scolarité à Roanne, c’est donc naturellement qu’Adeline Tillier se dirige vers des études de droit à Lyon. Titulaire d’une maîtrise en carrières judiciaires et d’un master 2 en pénologie, elle décide, avant d’intégrer l’école d’avocats, de se frotter au terrain : d’abord juriste dans un cabinet d’avocats lyonnais, elle devient ensuite assistante de justice au parquet général à la cour d’appel de Lyon, puis chargée de TD à l’université de Lyon 2. À la suite de sa prestation de serment en 2011, l’avocate revient à Roanne pour des raisons familiales et devient collaboratrice au sein d’un cabinet généraliste. En 2017, elle s’installe à son compte mais se lasse rapidement de l’exercice solitaire. Trois ans plus tard, en pleine crise sanitaire, elle décide alors de s’associer dans une structure essentiellement tournée vers le droit de la famille, qui compte actuellement deux associés et deux assistantes. « Je fais aujourd’hui beaucoup de dossiers de séparations et de divorces pour une clientèle de particuliers », explique Adeline Tillier. « Avec le droit du dommage corporel et les violences intra-familiales, cependant, je retrouve aussi un peu de droit pénal, côté victimes dans la plupart des cas. » Ce qui lui plaît le plus ? « Accompagner des personnes complètement perdues dans leur vie personnelle et qui ne comprennent pas forcément le fonctionnement de la justice, et voir qu’elles nous accordent totalement leur confiance » indique-t-elle. De ses débuts en tant qu’avocate au sein du cabinet de Roland Vignon, alors bâtonnier en exercice à Roanne, elle garde en mémoire les retours d’expérience de celui qui l’aura indéniablement incitée à s’engager dans la vie de son barreau. D’abord en tant que membre du conseil de l’ordre dès 2015, puis en briguant le bâton. « Au sein du barreau de Roanne, comme dans beaucoup d’autres, il y a clairement un manque de motivation pour intégrer les fonctions ordinales », constate-t-elle. « Il est pourtant nécessaire que des confrères s’investissent pour assurer la survie de nos ordres. »


Au cœur de la Cité.
Élue à la tête des 43 avocats Roannais pour le mandat 2022-2023, Adeline Tillier est la deuxième femme à occuper cette fonction au sein du barreau, après Jeanne Dubost-Gardet en 1969. Elle assure cependant que c’est surtout son jeune âge – 38 ans – qui la distingue de ses prédécesseurs… « J’ai toujours un peu l’impression de devoir justifier ma place », souffle-t-elle. « D’autant que dans un barreau tel que le nôtre, le bâtonnier fait tout. J’essaye d’être le plus possible à l’écoute des confrères, et de les tenir informés de tout ce que je fais via, notamment, un partage d’agenda. » Et la bâtonnière compte bien poursuivre sur cette voie pour l’année à venir, tout en déployant le plus d’efforts possibles pour redynamiser le barreau après un précédent mandat marqué par la crise sanitaire et les confinements. « Je souhaite remettre l’avocat au cœur de la Cité », indique-t-elle. « Dans ce cadre, nous avons par exemple organisé un événement pour la Nuit du droit qui nous a permis de mettre le pied à l’étrier et d’élargir notre réseau. » Un réseau qui sera notamment utile pour tenter de mettre en place, d’ici la fin de l’année, un partenariat avec l’hôpital de Roanne pour donner des consultations gratuites aux victimes d’infractions au sein de l’unité de médecine judiciaire. Autre ambition d’Adeline Tillier : être un peu plus présente au niveau de l’éducation nationale pour faire des interventions et présenter les métiers du droit aux jeunes étudiants Roannais. « Plus on les marquera tôt, plus nous aurons de chances de voir des confrères venir s’installer ici », souligne-t-elle. « À Roanne, beaucoup de cabinets recherchent actuellement des collaborateurs ou des successeurs. C’est une vraie difficulté. Rentre le barreau plus attractif est un combat que je dois mener. »

 

Chloé Enkaoua