Ne l’appelez pas « Sciences Po » ! L’injonction est ferme, elle est lancée par la maison mère des instituts d’études politiques (IEP), rue Saint-Guillaume, à Paris, et vise le dernier-né des IEP, celui de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Au cœur de l’été, alors qu’écoles et universités faisaient relâche, Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, signait un arrêté ministériel accordant le statut d’IEP convoité par l’Ecole internationale d’études politiques, une unité de formation et de recherche créée par l’université Paris-Est Créteil (UPEC).
Si le statut d’IEP est un label public délivré par l’Etat, « la marque Sciences Po est la propriété de l’IEP de Paris »
C’est pour l’établissement bellifontain une reconnaissance et le gage d’une visibilité nationale. Mais l’arrivée du petit dernier dans la cour des grandes écoles de sciences politiques françaises a fait grincer les dents de ses aînées, qui refusent de lui laisser l’usage de la marque « Sciences Po ». Si le statut d’IEP est un label public délivré par l’Etat, « la marque Sciences Po est la propriété de l’IEP de Paris et aucun autre établissement ne peut s’en prévaloir sans notre accord », fait savoir l’institut parisien, mardi 15 novembre.
Il y a donc onze IEP : Paris, Strasbourg, Aix-en-Provence, Lille, Lyon, Rennes, Toulouse, Saint-Germain-en-Laye, Bordeaux, Grenoble, et maintenant Fontainebleau, mais seulement dix « Sciences Po ». Pourquoi ostraciser le petit dernier ?
En mai 2022, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), une instance consultative, a émis le premier un avis défavorable sur le projet de création d’un nouvel IEP. « On va déshabiller Pierre pour habiller Paul, expliquait Pierre Chantelot, représentant du Snesup-FSU, qui a voté contre cette création. Des enseignants-chercheurs et du personnel administratif de l’UPEC seront dirigés vers l’IEP, au détriment de l’université. Alors qu’il existe déjà un UFR de sciences politiques à l’UPEC. » L’augmentation des frais d’inscription, jusqu’à 4 000 euros par an, n’a pas permis non plus au projet d’avoir le soutien des représentants étudiants au Cneser. Mais ce ne sont pas les points qui chagrinent les IEP.
« Nous avons été mis devant le fait accompli »
Interrogées individuellement, dans une remarquable unanimité, aucune des directions des IEP n’a souhaité officiellement répondre aux questions du Monde. Toutefois, quelques proches du dossier s’accordent pour expliquer qu’ils ont peu apprécié de n’avoir pas été consultés, ni par le ministère ni par l’UPEC, lors de l’élaboration du nouvel établissement. « Une fois l’école fondée et les cursus mis en place, Fontainebleau nous a contactés pour nous demander de les soutenir et les intégrer. Nous avons été mis devant le fait accompli. On n’a pas aimé. » « Cela s’est fait à la hussarde », abonde un autre acteur.
Il vous reste 45.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.