« Il était une fois un bon et brave squelette qui cherchait une fiancée, une jolie femmelette grassouillette et rondelette… » Alors que leurs camarades du collège Jean-Moulin de Formerie, dans l’Oise, s’amusent dans la cour pendant la pause méridienne, jeudi 17 novembre, Nathan, Noah, Théo, Martin, Lalie, Luna et Eleanore lisent le début d’un texte intitulé « Gentil squelette cherche amourette ». A tour de rôle, ces élèves de 6e prennent une grande inspiration, se lancent dans la première phrase, marquent un temps d’hésitation sur un mot, se reprennent à plusieurs fois sur un autre, finissent par trébucher sur une difficulté – une « femmelette » se transforme rapidement en « femelle » –, se ressaisissent sur la syllabe suivante… Pour tous, la lecture à voix haute s’apparente encore à un saut d’obstacles.
Au tableau, le chronomètre défile et, lorsqu’une minute s’est écoulée, les élèves crient « stop » dans un éclat de rire, enjoignant au lecteur de s’arrêter. Marine Manzoni, professeure de français, annonce alors le score et délivre ses conseils avec la plus grande bienveillance. Lors de cette première lecture, ces élèves arrivent à prononcer entre 58 et 110 mots en une minute. Les normes s’établissent à 120 mots par minute au début du collège et à 90 mots en CE2. « Un enfant qui lit bien aura peut-être des difficultés de compréhension ; mais un enfant qui lit mal en aura à coup sûr », commente l’enseignante.
Cet atelier fait partie de l’expérimentation « 6e tremplin » portée par l’académie d’Amiens dans six collèges depuis septembre. Le rectorat est parti d’un constat face aux résultats des évaluations nationales à l’entrée en 6e, déjà habituellement en deçà de la moyenne nationale : dans certains établissements du territoire, un quart des élèves ont un niveau de CE2 en lecture et-ou en mathématiques, des difficultés qui obèrent grandement leurs chances de réussite.
Le collège de Formerie fait partie de ceux-là. « Nous avons ciblé des établissements en zone rurale et hors éducation prioritaire, même si certains pourraient l’être, afin de leur donner des moyens supplémentaires », fait savoir Isabelle Boulnois, directrice de la pédagogie de l’académie. Cent trente élèves de 6e se sont engagés dans ce « tremplin » depuis la rentrée.
Ateliers et soutien renforcé
Pap Ndiaye a fait référence plusieurs fois depuis la rentrée à ce dispositif qui préfigure en partie ce qu’il veut entreprendre à ce niveau de scolarité. Même s’il a qualifié le collège d’« homme malade du système », le ministre de l’éducation nationale, très prudent, ne veut pas engager d’emblée une réforme d’ampleur et souhaite se concentrer sur la classe de 6e, « un lieu crucial pour tous les collégiens et en particulier pour les élèves les plus tangents », a-t-il déclaré, en marge du Salon européen de l’éducation, vendredi 25 novembre. Il doit faire des annonces dans les prochains jours sur le sujet.
Il vous reste 59.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.