► « Il faut aider les jeunes à élaborer un projet qui fait sens »

Sandrine Aboubadra-Pauly, déléguée générale de l’Union nationale des missions locales

« Les pouvoirs publics ont, durant la pandémie, mobilisé beaucoup de moyens pour soutenir les entreprises et accompagner vers l’emploi les jeunes les plus fragiles. Le nombre de garanties jeunes proposées par les missions locales a par exemple doublé entre 2020 et 2021, pour atteindre les 200 000.

Notre réseau accompagne chaque année 1,1 million de personnes, notamment les jeunes peu ou pas qualifiés, âgés de 16 à 25 ans. Certaines présentent une bonne employabilité mais ne possèdent pas les codes du marché de l’emploi. Il leur suffit souvent d’un ou deux entretiens avec un conseiller. Puis la mission locale sert d’intermédiaire avec les entreprises.

Pour d’autres jeunes, la tâche est plus complexe. Leur parcours antérieur est jalonné d’échecs, notamment à l’école. Et imaginer qu’il suffise, pour les insérer professionnellement, de les diriger vers un des secteurs en tension, c’est risquer de les mettre à nouveau dans une situation délicate. Il faut au contraire les aider à bâtir un projet qui fasse sens et travailler sur la confiance en eux.

Des mises en situation professionnelle

Pour cela, nous leur proposons par exemple des mises en situation professionnelle, notamment dans des domaines qui concentrent une bonne part des quelque 370 000 postes non pourvus. Le jeune est accueilli pour dix ou quinze jours par une entreprise, sur un poste de travail et non en stage. Cela lui permet de découvrir les gestes techniques, les conditions de travail, l’environnement… Et de déterminer ce qui lui correspond le mieux : travailler en équipe ou pas, en intérieur ou en extérieur, en journée ou avec des horaires décalés, etc.

Nous permettons aussi à certains jeunes de tester brièvement l’alternance, avant de bénéficier, le cas échéant, de ce tremplin vers l’emploi. Ces dernières années, ce dispositif s’est beaucoup développé dans le supérieur mais le nombre de contrats signés dans le cadre d’un accompagnement par une mission locale a lui aussi fortement progressé : 75 500 contrats en alternance ont été signés en 2021 contre 55 000 en 2020, 45 000 en 2019 et 18 000 en 2018.

Travailler aussi l’insertion sociale

Si l’on veut permettre aux plus fragiles de s’insérer sur le marché de l’emploi, il faut aussi les aider à accéder à leurs droits, à trouver un logement, à se soigner, etc. De même, il faut lever le frein de la mobilité, souvent déterminant, notamment dans les zones rurales ou enclavées.

Certaines missions locales ont acquis des simulateurs de conduite pour faciliter la passation du permis. Faisant le lien entre les dispositifs nationaux et les initiatives locales portées par les collectivités ou le tissu associatif, elles aident aussi leur public à bénéficier de dispositifs développés à l’échelle de certains territoires, comme la location de deux-roues motorisés à très faible coût.

La prise en compte de ces multiples facteurs constitue pour une large part de notre public la condition sine qua none d’un accès durable à l’emploi. »

► « Aller vers les jeunes, sans attendre qu’ils viennent vers nous »

Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises

L’idée-force de France Travail, dont le ministre du travail et du plein-emploi Olivier Dussopt m’a confié la mission de concertation et de préfiguration, est de permettre à toute personne sans emploi d’être soutenue de manière plus active et efficace, avec une attention particulière pour ceux qui ont le plus de difficultés. C’est le cas des jeunes. En effet 20 % des jeunes sans emploi n’ont aucun contact avec le service public de l’emploi : nous devons aller vers eux, sans attendre qu’ils viennent vers nous.

Nous voulons tirer les leçons du plan « un jeune, une solution » qui, dans une période pourtant peu favorable, aura permis de faire significativement baisser le chômage des jeunes et d’améliorer leur taux d’emploi. Mais il y a encore du chemin à faire pour arriver au niveau des pays du Nord.

L’apprentissage, par exemple, a battu des records et, grâce à son développement dans le supérieur, il n’est plus considéré comme une voie de garage. Nous avons l’objectif d’atteindre le million d’apprentis.

« Un jeune, une solution » a permis une diversité de solutions

La réforme du lycée professionnel va dans le même sens, pour revaloriser cette voie en renforçant les enseignements et la liaison avec les entreprises. Le dispositif Avenir Pro doit aussi permettre d’aller dans les lycées pour que France Travail accompagne mieux la sortie du système scolaire en aidant les jeunes à se forger un projet professionnel, à préparer leur CV et à commencer leur recherche. Il s’agit de faire en sorte qu’il n’y ait plus de césure entre le lycée et l’entreprise. Le système pourrait aussi s’étendre à l’université, et nous réfléchissons à mieux accompagner les jeunes sortis de l’Aide sociale à l’enfance pour leur éviter des années de galère.

Un autre étage essentiel d’« un jeune, une solution » aura été le contrat d’engagement jeune (CEJ). 260 000 ont été signés, qui permettent à des jeunes ayant des difficultés d’insertion professionnelle de bénéficier d’un accompagnement renforcé avec des personnes qui ont du temps. Les 15 à 20 heures hebdomadaires doivent les aider à retrouver confiance, développer des compétences, découvrir un projet professionnel, l’allocation leur permettant de se concentrer sur leur engagement.

Il y a encore beaucoup d’autres choses qui sont proposées : le mentorat, les écoles de la deuxième chance, l’Épide… « Un jeune, une solution » aura permis une diversité de solutions, mais il faut veiller à ce que cela ne devienne pas un maquis inextricable où les jeunes pourraient se perdre.

France Travail se veut un guichet unique, mais cela ne signifiera pas un opérateur unique. Pôle emploi, les missions locales, les associations…, nous avons appris à travailler ensemble et nous voulons renforcer ce travail en équipe, y compris avec les entreprises, pour l’accès de chacun au travail.