C. Ammirati : "L'universitarisation permet d'intégrer les formations paramédicales post-bac dans le système LMD"

Pauline Bluteau Publié le
C. Ammirati : "L'universitarisation permet d'intégrer les formations paramédicales post-bac dans le système LMD"
Parmi les projets en expérimentation actuellement, en deuxième cycle (bac+5), "des doubles cursus entre une formation paramédicale (kiné, orthophoniste, infirmiers spécialisés, etc.) et un master (ingénieur de la santé, santé publique, management, etc.)". // ©  David CESBRON/REA
Vaste et laborieux sujet que celui de l'universitarisation des formations paramédicales. Autrement dit, comment intégrer ces futurs professionnels de santé à l'université ? Christine Ammirati, ancienne conseillère chargée de la santé auprès du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, vient d'être missionnée pour mettre en œuvre ce projet lancé en 2009 dans ses dimensions de formation, de recherche comme de vie des étudiants.

L'intégration des métiers paramédicaux dans l'université est un processus en cours depuis 2009, avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Mais concrètement, même si quelques avancées ont été réalisées — notamment dans le domaine de la diplomation —, les formations paramédicales restent encore en dehors du champ universitaire. Depuis octobre 2022, Christine Ammirati, ancienne conseillère chargée de la santé auprès du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, pilote la mission pour réaliser ce vaste chantier.

Pouvez-vous détailler ce que signifie concrètement "l'universitarisation des formations paramédicales" ?

L'idée d'universitarisation regroupe trois points : intégrer les études paramédicales post-bac dans un système universitaire LMD (licence, master, doctorat), former à la recherche en déployant le parcours des enseignants-chercheurs et en facilitant le travail de recherche notamment concernant l'ambulatoire, la prévention, etc. et, enfin, conférer des droits identiques à tous les étudiants.

Christine Ammirati
Christine Ammirati © Photo fournie par le témoin

Plus précisément, quels sont les objectifs de la mission qui vous a été confiée ?

La lettre de mission a été signée le 7 octobre 2022 par le ministère de la Santé et celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Mon rôle est d'accompagner l'universitarisation des formations en santé. Cette lettre fait suite à l'engagement des deux ministres précédents que François Braun et Sylvie Retailleau ont aussi à cœur d'accompagner.

Plus précisément, il y a quatre volets à développer au cours de cette mission (qui n'a pas de durée) :

- Le volet "conventionnel" avec la nécessité de constituer une convention-cadre entre les parties prenantes (les collectivités territoriales, les universités et les formations) avant de la décliner dans chaque territoire. La vision doit être générale, et non filière par filière. Ce sont des principes généraux qui doivent être dégagés.

- Le volet "diplomation et ingénierie de formation" : la diplomation doit être faite par l'université mais avoir un diplôme universitaire implique une ingénierie de formation adéquate. On est dans un parcours LMD avec la mise en place de blocs de compétences. Ces blocs permettront de valider des acquis, utiles pour des passerelles ou des réorientations.

On est dans un parcours LMD avec la mise en place de blocs de compétences qui permettront de valider des acquis, utiles pour des passerelles ou des réorientations.

- Le volet "recherche et encadrement" : il faut réfléchir au statut des formateurs et directeurs d'établissements actuels sur leur place à l'université mais aussi réfléchir au statut des enseignants-chercheurs. Il existe déjà des maîtres de conférences paramédicaux mais ces enseignants sont "mono-appartenants", ils dépendent du ministère de l'Enseignement supérieur, ils n'ont pas le côté clinique. L'idée est d'aller vers une bi-appartenance comme dans les filières médicales avec une partie académique et clinique mais pas uniquement hospitalière, en ambulatoire également.

- Le volet "droit des étudiants" avec comme objectif affirmé que, dès l'instant où les étudiants sont à l'université, ils doivent avoir des droits identiques. Cela veut dire le droit de vote, l'accès aux bourses du Crous, etc.

L'intégration universitaire du paramédical est un sujet qui remonte à la fin des années 2000 : pourquoi le processus n'avance pas ?

On parle de ce processus depuis 2009 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Depuis tout ce temps, des choses ont malgré tout évolué : un certain nombre de filières ont acquis le grade licence et le grade master, notamment.

En revanche, il y a eu très peu de textes et il y a clairement des disparités territoriales. D'où la nécessité d'un cadrage national avec des déclinaisons territoriales. On a un recul sur ce qui a été fait, maintenant il faut arriver à des principes. L'un des freins, c'est bien cette absence de cadrage.

C'est un changement d'envergure qui suscite aussi beaucoup de craintes, notamment au niveau financier…

La convention va aussi permettre de lever les freins de représentations. Il y a tout un travail à mener sur la professionnalisation des formations paramédicales à l'université. C'est un travail qu'il faut poursuivre en travaillant ensemble. On peut avoir des référentiels de compétences professionnelles propres à l'université, mais avec des libertés académiques et de la rigueur sur l'encadrement et les stages. Il y a une unanimité pour dire qu'on peut travailler sur cette trajectoire.

Il y a tout un travail à mener sur l'aspect professionnalisation des formations paramédicales à l'université.

Nous n'allons pas mettre sous le tapis la question financière. Il faut rendre lisible et transparent les circuits financiers pour les différents acteurs.

Mais je ne suis pas seule dans cette mission : nous avons une équipe de pilotage restreinte qui mettra en place des groupes de travail avec des représentants universitaires, de régions de France, des agences régionales de la santé, des représentants de directeurs d'instituts et d'étudiants pour que l'on puisse échanger sur ces volets. Il faut que ce projet soit co-construit.

Initialement, l'ambition d'universitarisation était aussi de rapprocher les futurs soignants pour amener plus d'interprofessionnalité. Est-ce toujours d'actualité ?

Il y a des expérimentations qui ont pour objectif de rapprocher les formations paramédicales universitaires. Mais, il est vrai qu'un certain nombre — important — d'instituts ne sont pas proches des universités, c'est le cas des Ifsi [institut de formation en soins infirmiers] notamment. Les expérimentations, lancées en 2020, ont pour but de favoriser ces échanges, de mutualiser et de faciliter les passerelles.

L'idée est de rapprocher les partenaires, c'est une étape intéressante pour l'universitarisation.

Actuellement, 26 projets sont en cours et seront développés jusqu'en 2026. En premier cycle (jusqu'à bac+3), les projets concernent des doubles cursus pour permettre aux étudiants d'intégrer des masters, cela favorise la poursuite d'études. Il y a aussi des projets en deuxième cycle (bac+5) avec des doubles cursus entre une formation paramédicale (kiné, orthophoniste, infirmiers spécialisés, etc.) et un master (ingénieur de la santé, santé publique, management, etc.).

Les expérimentations sont importantes pour montrer ce que cela peut apporter concrètement. L'idée est de rapprocher les partenaires, c'est une étape intéressante pour l'universitarisation. La volonté aujourd'hui des deux ministères est d'ailleurs de sortir l'université de ses murs dans le champ de la santé.

Pauline Bluteau | Publié le