Le gouvernement veut verser une prime aux enseignants qui « innovent »
Une prime devrait être accordée aux enseignants qui s'investissent dans un projet d'innovation pédagogique. D'un montant annuel de 250 à 1.500 euros, elle serait versée en début d'année prochaine, préfigurant le futur « pacte » enseignant promis par Emmanuel Macron.
Un projet de prime à l'innovation pédagogique sera bien présenté aux syndicats d'enseignants en janvier. Après une tentative de concertation express qui a provoqué un tollé parmi ceux-ci, le ministère de l'Education nationale promet de « lever les malentendus sur le financement et le périmètre de la prime ». « Nous espérons que les choses se passeront bien, une fois qu'on aura été plus précis et qu'on aura pris le temps pour le faire », confie-t-on dans l'entourage du ministre de l'Education, Pap Ndiaye.
« De l'argent en plus »
Au ministère, on parle d'« une mesure technique » visant à rémunérer les enseignants qui s'investiront dans les projets pédagogiques financés dans le cadre du fonds d'innovation pédagogique (FIP) , voulu par Emmanuel Macron.
Aux 150 millions d'euros de ce fonds (500 millions sur le quinquennat) destinés à l'achat de matériel et de prestations éventuelles s'ajouteront donc ces primes à l'innovation pédagogique destinées à reconnaître le temps passé sur les projets. Pour le ministère, la philosophie est la même que celle des autres indemnités pour missions particulières, qui rémunèrent déjà d'autres activités (coordination des éco-délégués, référent culturel, numérique, etc.). Ce sera « de l'argent en plus », souligne l'entourage de Pap Ndiaye en assurant que la nouvelle prime ne viendra pas grignoter l'enveloppe des autres indemnités pour missions particulières, ni l'enveloppe catégorielle prévue dans la loi de Finances.
Avant le pacte
Cette prime à l'innovation, qui porte sur des projets censés « transformer l'école », préfigure le futur « pacte » enseignant promis par Emmanuel Macron, qui ne se mettra en place qu'en septembre prochain. Elle doit donc permettre au ministère d'anticiper sur la suite et s'articuler avec le pacte. « S'arrêtera-t-elle au moment où le pacte prendra le relais ou y aura-t-il une période transitoire ? Tout dépendra des concertations, mais il y a un lien très logique entre les deux, affirme-t-on dans l'entourage de Pap Ndiaye. Cette prime aura donc peut-être une durée de vie assez courte, c'est une des options. »
Le ministère avait voulu aller trop vite, en convoquant les syndicats lundi matin pour une réunion mardi matin. Le tollé qu'a provoqué cette demande express a conduit le ministère à retirer - temporairement - son projet de décret et d'arrêté, au moment même où Emmanuel Macron relançait le CNR dans un collège d'Aix-en-Provence . Le versement des primes, prévu pour janvier, sera donc plus tardif que prévu.
« C'est un projet mal ficelé qui tombe du ciel, avait regretté Alexis Torchet, secrétaire national au Sgen-CFDT. Pourquoi inventer un nouveau dispositif, dont il n'a jamais été question dans nos différentes réunions avec le ministère sur la revalorisation ? »
Six niveaux de prime dans les écoles, collèges et lycées
Les projets de décret et d'arrêté, que « Les Echos » se sont procurés, prévoient 250 à 1.500 euros de prime par année scolaire, avec des niveaux intermédiaires (500 euros, 750 euros, 1.000 euros, 1.250 euros).
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Scepticisme des chefs d'établissement
Son attribution serait décidée par les recteurs. L'indemnité concerne les personnels des écoles, collèges et lycées, y compris dans les établissements privés sous contrat, mais pas les personnels d'encadrement.
Ces derniers, d'ailleurs, par la voie du principal syndicat de chefs d'établissement (SNPDEN), ont fait part de leur scepticisme quant aux débats menés dans le cadre du CNR, estimant que d'autres instances permettaient déjà de débattre avec les représentants des élèves et des parents.
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Selon le ministre de l'Education nationale, « plus d'un millier de concertations » ont eu lieu depuis début octobre, et 12.000 écoles et établissements ont fait part de leur « intention » d'organiser des réunions en mode CNR.
« Mise en concurrence des enseignants »
La tentative de concertation express a renforcé les critiques des syndicats hostiles au dispositif. Le SNES-FSU parle de « mise en concurrence des enseignants » qui « va servir à diviser plus qu'à avancer sur le terrain de la revalorisation ». Le gouvernement « essaie d'acheter les collègues pour pouvoir se vanter de la réussite de son fonds d'innovation », a vertement critiqué le SNALC. « L'innovation pédagogique n'a pas en soi de valeur supérieure à la non-innovation, il relève de la liberté pédagogique de chaque [enseignant] de choisir les méthodes qui lui paraissent les plus adaptées », estime le syndicat.
Marie-Christine Corbier