« On développe maintenant le son, mais sans casser la ligne » : le chef d’orchestre Michael Schonwandt a demandé aux altos de reprendre le thème de l’amour du Daphnis et Chloé, de Ravel. Tous les musiciens sont déterminés, le niveau est excellent. Sneakers, jeans et sweat à capuche, portables près des pupitres. Un ping-pong virtuose s’installe bientôt entre les vents, tandis que la musique de ballet évoque le dieu Pan et la nymphe Syrinx. Magistralement exécuté, il déclenchera les applaudissements spontanés du reste de l’orchestre.
Nous sommes au Théâtre impérial de Compiègne (Oise), où l’Orchestre français des jeunes (OFJ) répète, ce mardi 6 décembre, pour les concerts qu’il donnera in loco le 9 décembre, et à la Philharmonie de Paris deux jours plus tard. Ils ont entre 16 et 26 ans, ont été auditionnés, puis sélectionnés dans neuf grandes villes françaises afin de participer aux trois sessions annuelles de cet orchestre école, qui célèbre en 2022 quarante ans d’existence.
Quasi septuagénaire, le maestro a succédé, il y a trois ans, à Fabien Gabel, après David Zinman, Jean-Claude Casadesus, Marek Janowski, Emmanuel Krivine et Jérôme Kaltenbach, qui fut le premier directeur musical de la formation créée en 1982 par le ministère de la culture. « C’est un échange gratifiant des deux côtés, assure le Danois, par ailleurs chef principal, depuis 2015, de l’Orchestre national de Montpellier Occitanie. Ces jeunes m’apportent fraîcheur, ouverture et curiosité d’esprit : des qualités qui se sont amoindries dans les orchestres professionnels au profit de l’expérience et du savoir. »
Déficit de rayonnement
Plus de 600 jeunes musiciens ont candidaté pour les 90 postes que propose l’édition 2022. Tous sont de nationalité française, les étrangers pouvant postuler à condition d’être étudiants en France. Au contraire d’autres pays d’Europe plus soucieux d’insertion professionnelle (notamment l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse), la formation est unique en son genre. Avec ses trois sessions de répétitions et de concerts par an – l’été à Lille, l’hiver à Compiègne, la session d’automne autour du style classique se déroulant à Soissons (Aisne) –, elle est très prisée du milieu musical, mais reste confidentielle pour le grand public.
Une enquête de 2017 montrait que 91 % des musiciens de l’OFJ étaient passés professionnels, 59 % ayant intégré un poste dans un orchestre
Un déficit de rayonnement auquel entend bien s’atteler la nouvelle directrice de l’OFJ, Charlotte Ginot-Slacik, en poste à plein temps depuis novembre. « La plupart des musiciens viennent des conservatoires régionaux, un quart des deux entités nationales d’excellence que sont Paris et Lyon, affirme-t-elle. On constate l’impact positif du développement des pôles supérieurs ainsi que la valorisation des expériences à l’étranger (hautes écoles musicales de Suisse et de Belgique). Mais il nous reste à intégrer davantage les territoires d’outre-mer. » Pour la jeune femme, cette ouverture du recrutement sur la diversité est une priorité absolue.
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