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Entre les élèves, des inégalités « considérables » mais qui ne se creusent plus

La France est souvent présentée comme le pays du grand écart en matière d'inégalités scolaires. Le ministre de l'Education nationale veut « retoucher » la carte de l'éducation prioritaire, pour plus de mixité dans les établissements. Pap Ndiaye va fixer des objectifs aux recteurs.

Les recteurs pourront « agir sur les affectations scolaires », a indiqué le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye.
Les recteurs pourront « agir sur les affectations scolaires », a indiqué le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye. (ROMAIN DOUCELIN/SIPA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 28 déc. 2022 à 14:07Mis à jour le 28 déc. 2022 à 16:10

Entre deux élèves de quinze ans, l'écart de niveau peut atteindre plus de deux ans et demi de scolarité, selon leur origine sociale. Un décalage insupportable pour le ministre de l'Education nationale, qui entend faire de la lutte contre les inégalités l'un de ses chevaux de bataille. Cet écart a été mesuré dans la dernière enquête Pisa de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En France, il peut atteindre 107 points, alors que la moyenne de l'OCDE est de 89 points. « C'est considérable », pour Thierry Rocher, chargé de ces questions au service statistique du ministère de l'Education nationale.

La carte « statique » de l'éducation prioritaire

Les inégalités sociales sont « précoces », souligne-t-il. Et elles « s'amplifient à l'école et au collège », notamment en mathématiques, une discipline où les marqueurs sociaux sont « très forts ».

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Dans une récente tribune au « Monde », le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye a indiqué vouloir « lutter contre tous les déterminismes sociaux et toutes les assignations ». Pour lui, « une école qui, tout en la promettant, n'accorde pas l'égalité produit non seulement des injustices, mais aussi une défiance et un sentiment de colère dans les classes populaires ». Des objectifs seront « assignés » aux recteurs qui, avec les collectivités territoriales, pourront « agir sur les affectations scolaires », a-t-il indiqué, en promettant des actions pour « favoriser la mixité » d'ici à « quelques semaines ».

Début novembre, Pap Ndiaye avait déjà promis de « retoucher » la carte de l'éducation prioritaire. « Il faut pouvoir sortir les établissements qui ne correspondent plus à l'éducation prioritaire et en faire entrer d'autres », affirmait-il, jugeant le modèle actuel « assez statique ». L'enseignement privé sous contrat , qui accueille davantage d'élèves de milieu favorisé, est sommé d'« apporter sa contribution à cet effort » de mixité.

« Ne pas tomber dans le fatalisme »

Aussi importants soient-ils, les écarts entre élèves ne se creusent plus. « Il y a une stabilisation de ce niveau élevé d'inégalités sociales, affirme Eric Charbonnier, expert chargé de l'éducation à l'OCDE. On ne peut pas s'en satisfaire, mais il faudra suivre cette tendance car il y a en France, depuis 2012, une véritable envie de lutter contre les inégalités sociales. »

On a parfois l'impression, dans certains débats, que la France est le pire pays de l'OCDE en matière d'inégalités. Ce n'est pas le cas. Il ne faut pas tomber dans le fatalisme.

ERIC CHARBONNIER Expert éducation à l'OCDE

La France est mal placée pour les inégalités liées au milieu socio-économique des élèves. Mais elle « s'en sort mieux » sur les inégalités de genre, ajoute-t-il. Les écarts entre filles et garçons sur les performances à l'écrit sont « moins graves » qu'ailleurs, alors que la Norvège ou la Finlande s'inquiètent des difficultés plus importantes des garçons dans leur système éducatif.

En termes d'accès à l'éducation, l'expert souligne aussi la « forte baisse » du nombre de jeunes sans diplôme depuis dix ans (12 % en 2021 contre 17 % en 2011), et la démocratisation de l'enseignement supérieur, même si « les jeunes des milieux défavorisés sont surreprésentés dans les filières courtes ». « On a parfois l'impression, dans certains débats, que la France est le pire pays de l'OCDE en matière d'inégalités, reprend Eric Charbonnier. Ce n'est pas le cas. Il ne faut pas tomber dans le fatalisme. »

Des enseignants sceptiques

Il ne faut pas idéaliser telle ou telle recette, à l'instar de l'autonomie accrue des établissements, prévient-il. Eric Charbonnier met en garde contre l'exemple de la Suède qui, avec « un système éducatif totalement décentralisé », a « engendré un effet négatif sur les inégalités sociales, qui ont énormément augmenté ».

Pour lutter contre ces inégalités, Pap Ndiaye devra convaincre les professeurs que le système éducatif est capable de les résorber. Seuls 23 % des enseignants y croient, selon un sondage réalisé en janvier dernier par l'institut CSA pour le Sénat. Les parents (qui ont répondu « oui » à 41 %) sont davantage optimistes.

Marie-Christine Corbier

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