Marc Fesneau : « Les vétérinaires sont un bien public pour les filières d'élevage et la société »

Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, salue la tenue de la Journée nationale vétérinaire 2022 lors de laquelle il est intervenu.

© Ministère de l'Agriculture

Entretien

En poste depuis sept mois, le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, dévoile sa vision de la profession vétérinaire et les actions qu'il soutient la concernant. Le maintien du maillage vétérinaire notamment a mobilisé ses services et le travail se poursuivra avec, par exemple, la refonte du suivi sanitaire permanent. Les vétérinaires pour animaux de compagnie ne sont pas laissés de côté et font l'objet, entre autres, d'un chantier en cours sur la délégation d'actes aux auxiliaires spécialisés vétérinaires. Plus globalement, l'augmentation des effectifs d'étudiants est déjà bien engagée.

La Dépêche Vétérinaire : Face à la pénurie de main d'oeuvre dans le secteur vétérinaire qui fragilise le maillage de cette profession dans les territoires, quelles actions comptez-vous soutenir ?

Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire : Devant l'enjeu du maintien du maillage vétérinaire, notamment dans les territoires ruraux, le ministère chargé de l'agriculture s'est engagé, depuis 2017, dans la mise en oeuvre d'une « feuille de route pour le maintien des vétérinaires en productions animales et en territoires ruraux » , aux côtés des professions agricole et vétérinaire et des collectivités.

Je suis convaincu qu'une part importante des solutions est à trouver au niveau local. Je tiens à saluer la démarche innovante entreprise en 2022 avec la réalisation de diagnostics et de plans d'action territoriaux dans 11 territoires. La synthèse, présentée à l'occasion de la Journée nationale vétérinaire du 29 novembre, est une ressource précieuse.

Ce travail confirme la nécessité d'associer tous les acteurs territoriaux concernés, vétérinaires, éleveurs, collectivités, services déconcentrés de l'État, et montre qu'il est possible d'agir pour lutter contre la désertification.
A terme, je souhaite que chaque territoire puisse disposer d'une palette d'outils dont il pourra se saisir localement : méthodologie pour réaliser un diagnostic, boîte à outils pour l'identification et la mutualisation d'actions et outils d'appui à la gouvernance des projets.

Des mesures législatives puis réglementaires ont été prises ces deux dernières années dans le cadre de la loi Ddadue afin que des aides matérielles et financières puissent être apportées par les collectivités territoriales, aux vétérinaires ou étudiants vétérinaires qui s'engagent à exercer la médecine « rurale » pendant une période de temps donnée.

Nous sommes en train de finaliser le dispositif du suivi sanitaire permanent permettant, sous certaines conditions, aux vétérinaires de prescrire sans examen clinique. En réservant cette prérogative au vétérinaire assurant la continuité des soins et des urgences auprès des exploitants, nous protégeons directement le maillage vétérinaire.

Cette refonte du suivi sanitaire permanent introduit un cadre suffisamment protecteur pour éviter des dérives affairistes où la téléconsultation donnerait la possibilité à n'importe quel vétérinaire de prescrire et de vendre des médicaments à un exploitant. Les conditions sont désormais réunies pour autoriser la télémédecine vétérinaire ; les actes réglementaires sont en cours d'élaboration.

Enfin, mon ministère finance depuis plusieurs années des stages tutorés de 18 semaines dans une même clinique à dominante « productions animales » afin de favoriser l'installation des jeunes vétérinaires en milieu rural. Pour l'année scolaire 2022-2023, le dispositif concerne 102 étudiants répartis dans les quatre écoles nationales vétérinaires. 80 % des étudiants qui suivent ces stages exercent ensuite en milieu rural.

D.V. : Votre ministère inclut désormais dans son intitulé la souveraineté alimentaire, enjeu majeur à l'heure des crises alimentaires. Quelle place attribuez-vous aux vétérinaires au service de cet objectif ?

M.F. : Je suis pleinement conscient du rôle capital joué par les vétérinaires dans la surveillance des maladies, dans la maîtrise du statut sanitaire des animaux, dans la gestion des crises, dans la confiance accordée par le consommateur à la qualité sanitaire des produits d'élevage, dans l'amélioration constante du bien-être des animaux. Pour faire simple, les vétérinaires sont un bien public pour les filières d'élevage et la société.

Par la diversité de leurs activités et de leurs secteurs d'interventions, les vétérinaires contribuent à la performance et à la compétitivité économiques et sanitaires des élevages, du secteur agricole, du secteur alimentaire et du secteur pharmaceutique vétérinaire. Par essence, ils participent donc à renforcer la souveraineté alimentaire.

Pour ne citer que quelques exemples :

- les vétérinaires en exercice libéral sont les premiers interlocuteurs des éleveurs pour les aider à assurer la bonne santé et le bien-être de leur cheptel, maîtriser la biosécurité de leur élevage, optimiser et assurer la sécurité sanitaire de leurs productions ;

- les vétérinaires, en tant qu'agents titulaires ou contractuels du ministère, défendent les positions françaises dans les instances européennes et internationales, gèrent les crises et alertes sanitaires et assurent les missions régaliennes de contrôle de la sécurité sanitaire de la chaîne alimentaire et de certification aux échanges et aux exportations ;

- les vétérinaires sont également présents dans les laboratoires d'analyses, maillon indispensable à la surveillance et la gestion des alertes et crises sanitaires depuis l'élevage jusqu'à l'assiette du consommateur ;

- dans le secteur de la pharmacie vétérinaire, au sein de l'ANMV* ou des industries pharmaceutiques, ils contribuent à assurer un accès aux médicaments vétérinaires et au développement d'innovations thérapeutiques.

D.V. : Les animaux de compagnie occupent une place de plus en plus grande auprès de la population et représentent une activité croissante du secteur vétérinaire. Comment comptez-vous favoriser le maintien de vétérinaires en productions animales sans détourner les vétérinaires de leur rôle auprès des animaux de compagnie ?

M.F. : Si nous n'agissons pas, les études prospectives montrent, à l'horizon de 2033, un déficit très important de vétérinaires pour animaux de compagnie et un déficit significatif pour les animaux de rente.

Malgré l'augmentation, depuis 2013, de plus de 40 % du nombre d'étudiants vétérinaires accueillis dans les écoles nationales vétérinaires d'Alfort, de Lyon, de Nantes et Toulouse, plus de 50 % des vétérinaires sont formés à l'étranger. Aussi, pour endiguer la pénurie de vétérinaires, nous allons porter à 180 étudiants la taille des promotions.

L'école vétérinaire privée UniLaSalle, de Rouen, a accueilli sa première promotion d'étudiants à la rentrée 2022. Cette première école vétérinaire privée d'intérêt général respecte des conditions exigeantes qui garantissent son indépendance par rapport aux intérêts économiques, un niveau de formation correspondant aux standards européens, sans affaiblir l'excellence reconnue de notre enseignement vétérinaire.

À l'horizon 2030, ce seront en tout 840 vétérinaires par an formés en France qui arriveront chaque année sur le marché du travail, soit 75 % de plus qu'en 2017 !

Nous devons former davantage de vétérinaires mais également leur permettre de se recentrer sur des actes vétérinaires à plus forte valeur ajoutée. J'ai demandé à mes services de travailler sur le chantier de la délégation des actes aux auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) qui sera mené en 2023 dans un objectif d'optimisation du travail des vétérinaires dans les établissements de soins vétérinaires canins et mixtes.

D.V. : La récente crise Covid a souligné l'importance d'une approche One Health, associant médecine humaine, médecine vétérinaire et protection de l'environnement. Comment comptez-vous aider les vétérinaires à se rapprocher de leurs homologues humains et des acteurs de la sauvegarde de l'environnement ?

M.F. : Depuis ses origines et du fait qu'elle est à l'interface entre les animaux, les éleveurs/détenteurs et leur environnement, la profession vétérinaire s'inscrit dans une approche Une seule santé. La meilleure illustration est le rôle central qu'elle joue dans la prévention, l'évaluation et la gestion de zoonoses qui, d'après l'OMS**, représentent plus de 60 % des maladies émergentes. Le cas de rage importé début octobre dans l'Essonne rappelle une fois de plus le positionnement central de la profession vétérinaire au coeur de l'approche Une seule santé.

La pandémie a permis une prise de conscience de la nécessité d'une mise en oeuvre opérationnelle et concrète de cette approche Une seule santé et une reconnaissance de la place des vétérinaires dans le dispositif. La nomination d'un vétérinaire au sein du Conseil scientifique pendant la crise et de deux vétérinaires maintenant au Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires le démontre.

La poursuite du rapprochement des acteurs impliqués dans la santé humaine, la santé animale et la protection de l'environnement est un objectif du ministère et se fera au niveau national et local au travers de politiques publiques interministérielles fortes telles que la poursuite de la prévention et de la lutte contre l'antibiorésistance, la contribution au plan national santé environnement (PNSE 4), le développement de l'offre de formations diplômantes (comme le diplôme « One Health en pratiques » à VetAgro Sup) à destination d'acteurs institutionnels ou encore la formation et la sensibilisation des vétérinaires sanitaires à ces enjeux et aux acteurs associés dans le cadre des formations continues obligatoires sur la prévention des zoonoses.

* ANMV : Agence nationale du médicament vétérinaire.

** OMS : Organisation mondiale de la santé.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1643

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