L’étroit immeuble du XVIIIe siècle, sis dans une rue pavée du Vieux Lille, n’annonce en rien le caractère novateur du magasin d’optique niché à son pied, « Lunettes de Zac », ouvert en mai 2022. La vitrine fournit un premier indice : une urne de carton y trône sur laquelle s’inscrit : « Je vote en déposant mes lunettes. » Puis, dans la boutique meublée de récupération, sur de longues planches en bois brut, sont présentées des montures qui ont pour passé commun d’avoir déjà été portées. L’opticien Zac vend des lunettes reconditionnées.
Des bésicles de second nez qu’Ophélie Vanbremeersch, 23 ans, a eu l’idée de commercialiser durant ses études d’économie. Rejetonne d’une famille « à forte sensibilité environnementale et encore plus forte myopie », la start-upeuse a eu la révélation d’une possible économie circulaire de la lunette en découvrant les montures entassées dans les tiroirs parentaux. Si elles n’étaient pas collectées, était-ce qu’elles n’étaient plus bonnes à rien ?
Entre deux cours, Ophélie Vanbremeersch se débrouille pour en récupérer 10 000 chez les opticiens, constate qu’un bon tiers peut être remis à neuf. Et ouvre boutique, après campagne de financement participatif et prêt bancaire.
Organisée à grande échelle, désormais, la collecte (dans diverses entreprises, banques, boutiques d’optique) a « déjà sauvé 65 000 montures, compte-t-elle, pour au moins deux nouvelles années de seconde vie ». Les deux tiers ont été donnés à des associations caritatives ou à des écoles d’optique, le reste soigneusement démonté, nettoyé aux ultrasons, poli parfois, dans un atelier adapté de Tourcoing (Nord) où œuvrent des personnes handicapées (AlterEos). Puis revendu chez Zac de 29 à 99 euros, équipé de verres (évidemment neufs) du verrier français Novacel.
Montures délaissées
Les clients ne manquent pas pour ces occasions de limiter le gaspillage. Ophélie Vanbremeersch croit percevoir « la prise de conscience », mais aussi l’effet prix de montures positionnées « entre [celles] faites en Chine, qui représentent une grosse partie de ce qui se vend chez les opticiens, et les lunettes plus chères fabriquées en France ».
Dans la foulée de l’électronique, voilà que le reconditionnement vise l’optique. A Paris, le magasin Dingue de lunettes recyclait déjà des montures vintage depuis une dizaine d’années ; il vient de s’implanter à Lyon.
Bien des opticiens, ces temps-ci, contactent Ophélie Vanbremeersch : fournirait-elle de quoi alimenter un rayon de seconde main dans leur boutique ? Déjà équipés d’urnes collectant les montures usagées, les 1 430 magasins Optic 2000 et Lissac l’envisagent pour 2023, à croire Benoît Jaubert, directeur général du groupement coopératif.
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