« Je pouvais bien aimer l’école, mais l’école ne m’aimait pas ; je la considérais comme un endroit néfaste ; je suis persuadé que si j’avais grandi ailleurs, je n’aurais pas eu ce parcours ; ma fille a eu les mêmes soucis que moi et je me dis que c’est de ma faute » : dans un livre de témoignages (1), des militants d’ATD Quart Monde racontent leur scolarité. Leurs propos illustrent un système « terriblement inégalitaire » ne respectant pas la « promesse républicaine de permettre à tous de choisir sa voie et par là même son avenir », commente en introduction la présidente de l’association, Marie-Aleth Grard. Or « l’école est le socle de notre démocratie », insiste-t-elle.
Elle défend une mixité sociale et scolaire qui rendra la société « plus ouverte et tolérante ». Et prône une formation des professeurs à la grande pauvreté. « L’enseignant et le parent de milieu populaire, c’est comme si on n’habitait pas sur la même planète », lâche Vincent dans l’ouvrage, en dressant le même constat à l’encontre des responsables politiques.
Ex-élue locale, Marie-Aleth Grard demande aux maires de « ne pas ignorer la grande pauvreté ». Et au ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, de traduire en actes ses déclarations en faveur d’une école « plus juste, tout d’abord pour les enfants issus de milieux défavorisés ». Dans le livre, elle évoque l’appel lancé par le fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski, à ce « qu’aucun enfant n’échoue à l’école » à un horizon de dix ans. Le dessein date de 1977.
Quel a été l’élément déclencheur de ce livre ?
Vincent Peillon, l’ancien ministre de l’Education nationale (entre 2012 et 2014, ndlr), est venu me chercher. Il m’a demandé de rédiger un livre sur l’école pour la collection qu’il dirige. Je lui ai d’abord répondu que « Ma vie mon œuvre » n’intéresserait personne. Après réflexion, je lui ai proposé cet ouvrage fondé sur une série de témoignages de militants d’ATD Quart Monde. Il se situe en quelque sorte dans la continuité de travaux que j’ai réalisés au Cese, en particulier l’avis de mai 2015 intitulé « Une école de la réussite pour tous », dont j’ai été la rapporteure, qui met en lumière un lien étroit entre origines sociales et inégalités scolaires. Or, force est de constater, comme je l’écris en introduction, que notre système éducatif continue à favoriser les plus aisés, qui ont les codes, et à laisser sur le bord de la route les plus fragiles. On nous parle d’école inclusive, mais en réalité, on exclut. On estime à 2,9 millions le nombre de mineurs issus d’une famille vivant sous le seuil de pauvreté, dont 1,6 million sont dans la grande pauvreté.
En France, en 2022, des enfants scolarisés vivent dans la rue ou en hébergement d’urgence. Comment voulez-vous apprendre dans de bonnes conditions à l’école et faire correctement ses devoirs le soir quand on vit avec quatre autres personnes dans une chambre d’hôtel ? Comment, dans ces conditions, oser dire à ses camarades où l’on habite ? On ne peut donc pas les inviter. C’est d’une grande violence
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