Publicité
Décryptage

Age de départ, carrières longues, pénibilité… : ce que prévoit finalement la réforme des retraites

Le gouvernement a abattu ce mardi ses cartes sur les retraites. L'âge légal de départ est décalé de deux ans, y compris pour les régimes spéciaux. L'exécutif a cependant détaillé de nombreuses mesures censées faire accepter plus facilement la réforme.

Elisabeth Borne, ce mardi lors de la conférence de presse présentant le projet de réforme des retraites.
Elisabeth Borne, ce mardi lors de la conférence de presse présentant le projet de réforme des retraites. (Bertrand Guay/AP/SIPA)

Par Solenn Poullennec

Publié le 10 janv. 2023 à 19:23Mis à jour le 11 janv. 2023 à 09:03

Report de l'âge légal, durée de cotisation, pension minimum, emploi des seniors, carrières longues, pénibilité, régimes spéciaux… La Première ministre a levé le voile mardi sur la réforme des retraites, très contestée par les syndicats qui ont dans la foulée lancé un appel à la grève pour le 19 janvier . Retour sur les principaux points du projet:

· L'âge légal reculé de 62 à 64 ans

Après avoir réaffirmé le cap d'une hausse de l'âge légal de 62 à 65 ans, évoquée par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, le gouvernement a finalement opté pour un report de deux ans à 64 ans. Celui-ci se fera au rythme de 3 mois par génération à partir du 1er septembre 2023. Résultat : l'âge de départ sera fixé à 63 ans et 3 mois en 2027, année de la fin du quinquennat. Il atteindra 64 ans en 2030. L'âge légal de 64 ans s'appliquera alors aux personnes nées en 1968.

Publicité

· La durée de cotisations portée à 43 ans plus rapidement que prévu

La durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein va augmenter plus vite que prévu. La loi Touraine de 2014 prévoyait de la faire passer de 42 ans à 43 ans (172 trimestres) d'ici à 2035. Cette transition sera accélérée dès septembre au rythme d'un trimestre par génération. Désormais, il faudra avoir travaillé 43 ans dès 2027.

Les personnes qui n'ont pas atteint ce seuil de 43 ans pourront tout de même bénéficier d'une retraite à taux plein, en partant à 67 ans, l'âge d'annulation de la décote qui reste inchangé. Un geste particulièrement fort pour les femmes, deux fois plus nombreuses à devoir attendre cet âge que les hommes, souligne le gouvernement.

· Le minimum de pension porté à 85 % du SMIC net ou 1.200 euros brut

« Une vie de travail doit garantir une retraite digne », a souligné Elisabeth Borne ce mardi. Désormais, le minimum de pension pour les personnes ayant effectué une carrière complète au SMIC ne pourra pas être inférieur à 85 % du SMIC net, soit autour de 1.200 euros brut par mois. Le minimum de pension sera par la suite indexé sur l'inflation.

La revalorisation du minimum de pension bénéficiera notamment aux femmes et indépendants qui représentent aujourd'hui 60 % de ceux qui partent en retraite avec une pension minimum. Sachant aussi que les femmes pourront désormais tenir compte de leur période de congé parental pour en bénéficier.

D'abord prévue pour les futurs retraités, la revalorisation sera étendue au « stock » des retraités actuels dans le projet de loi présenté en Conseil des ministres, a indiqué le gouvernement mardi. Cette revalorisation s'appliquerait dès cette année.

· Des départs anticipés de quatre ans pour les carrières très longues

Le gouvernement veut « conforter » le dispositif des carrières longues offrant aujourd'hui un départ anticipé à environ un Français sur cinq au motif qu'il a commencé à travailler tôt.

Publicité

Dans le détail, il rajoute un nouveau seuil d'âge pour bénéficier du dispositif. Les personnes qui ont commencé avant 18 ans pourront partir jusqu'à quatre ans avant l'âge légal et donc dès 60 ans (à condition d'avoir cotisé 44 ans). C'est aujourd'hui possible, mais seulement pour ceux qui ont commencé avant 16 ans, et cela ne concerne qu'un nombre très restreint de personnes. Les personnes ayant commencé avant 16 ans pourront quant à elles partir dès l'âge de 58 ans. Personne ne sera obligé de travailler plus de 44 ans pour éviter la décote.

Par ailleurs, les femmes ayant été en congé parental pourront s'en prévaloir pour bénéficier du système des carrières longues. Elles pourront valider à ce titre jusqu'à quatre trimestres. Cet assouplissement devrait permettre à 3.000 femmes de partir plus tôt à la retraite.

· Une meilleure prise en compte de la pénibilité

Le fonctionnement du compte professionnel de prévention aussi connu sous le nom de « compte pénibilité » sera assoupli pour bénéficier à plus de 60.000 personnes supplémentaires, selon le gouvernement. Sachant que depuis sa mise en place, il a concerné près de 1,9 million de personnes mais qu'il a été effectivement utilisé par moins de 12.000 personnes.

Les personnes effectuant des métiers pénibles pourront acquérir plus rapidement des points dans ce compte pénibilité (C2P), notamment quand elles sont exposées à plusieurs facteurs de pénibilité en même temps. Ces points ne permettront plus seulement d'obtenir une formation, un temps partiel ou un départ anticipé mais aussi un « congé de reconversion » permettant de changer de métier plus facilement.

Les branches professionnelles devront par ailleurs identifier les métiers où il faut porter des charges lourdes, supporter des postures pénibles ou de fortes vibrations et financer des actions de prévention et de reconversion grâce à un « fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle » doté de 1 milliard d'euros sur le quinquennat.

Les travailleurs concernés devront faire l'objet d'un suivi médical renforcé après 45 ans effectué par les médecins du travail. Ils pourront se voir proposer, le cas échéant, un aménagement du poste et du temps de travail. A 61 ans, les salariés les plus exposés à l'« usure professionnelle » auront une visite médicale de fin de carrière obligatoire. Dans le cas où ils ne seraient plus jugés aptes à travailler, ils pourront bénéficier d'un départ à la retraite anticipé à 62 ans à taux plein.

· Les personnes invalides ou en situation d'inaptitude préservées

Comme aujourd'hui, les personnes en situation d'invalidité ou d'inaptitude pourront partir à la retraite à taux plein à 62 ans, même si elles n'ont pas engrangé le nombre de trimestres nécessaires. Ces personnes n'avaient pas été épargnées par le relèvement de l'âge lors de la réforme de 2010, souligne le gouvernement. Les travailleurs handicapés pourront toujours partir à 55 ans, et avec des conditions simplifiées. Les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle pourront partir à la retraite deux ans avant l'âge légal. La durée d'exposition à des facteurs de pénibilité pour bénéficier de ces conditions de départ anticipé sera réduite de 17 à 5 ans. Les travailleurs exposés à l'amiante pourront toujours partir dès 50 ans.

· Les « travaux d'utilité collective » dans le calcul de la retraite

Les personnes ayant effectué des travaux d'utilité collective (TUC) pourront obtenir à ce titre des trimestres pour calculer leur retraite alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui. En décembre, des députés avaient présenté une proposition de loi pour répondre aux inquiétudes des personnes qui avaient réalisé des TUC dans les années 1980 ou d'autres types de contrats aidés, censés réduire le chômage des jeunes.

· Vers un renforcement des droits à la retraite des indépendants

Le gouvernement s'engage d'ici au prochain budget de la Sécurité sociale à remettre à plat le mode de calcul des cotisations sociales des travailleurs indépendants qui plaidaient en ce sens. L'idée est que les prélèvements de ces professionnels soient « rendus plus prévisibles et plus équitables » au regard de la création de droits à la retraite.

· Coup de pouce pour les aidants familiaux

Les aidants familiaux, c'est-à-dire ceux qui sont contraints de réduire leur activité professionnelle pour s'occuper d'un proche, pourront être plus nombreux à bénéficier de validations de trimestres. Environ 40.000 personnes pourraient bénéficier de cet élargissement chaque année, selon le gouvernement.

· Vers une modernisation des droits familiaux

Le Conseil d'orientation des retraites devra ouvrir un chantier sur « la modernisation des droits familiaux et l'unification du système de réversion » sachant que « leur efficacité et leur pertinence doivent être renforcées ».

· Un « index » pour favoriser l'emploi des seniors

Les entreprises ayant plus de 300 salariés devront publier un indicateur ou « index » pour faire la lumière sur le sort qu'elles réservent aux salariés en fin de carrière. Cet indicateur s'inspire de celui qui a été imposé en 2019 sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Cet index sera « simple et public pour identifier les bonnes pratiques et dénoncer les mauvaises », a promis Elisabeth Borne. Le contenu exact de l'index sera défini via une négociation interprofessionnelle. L'index devra être obligatoirement publié par les entreprises de plus de 1.000 salariés dès 2023 et dès l'an prochain pour les entreprises de plus de 300 salariés. Et ce, sous peine de sanction.

· Assouplissement du cumul emploi-retraite et de la retraite progressive

Les retraités qui reprennent une activité pourront acquérir des droits et augmenter leur pension. Le système de retraite progressive, qui permet aujourd'hui à partir de 60 ans de travailler à temps partiel et de compléter son revenu avec une fraction de sa pension sera par ailleurs assoupli. Il sera aussi étendu de façon « strictement identique » à la fonction publique mais s'appliquera à partir de 62 ans et non plus 60 ans.

· Des régimes spéciaux amenés à s'éteindre très progressivement

Les bénéficiaires des régimes spéciaux et notamment les personnels de la SNCF, de la RATP et des industries électriques et gazières qui sont nombreux à partir à la retraite avant 62 ans, notamment à 52 ans ou 57 ans, verront donc comme les autres Français leur âge de départ à la retraite décalé de deux ans.

La réforme sera cependant appliquée avec un calendrier décalé , en 2025, sachant que la dernière réforme de ces régimes n'est pas pleinement montée en charge. Les conditions d'application seront détaillées au premier semestre 2023 par décret.

Le gouvernement a aussi exclu de modifier l'âge d'annulation de la décote pour ces régimes. Les régimes spéciaux sont par ailleurs appelés à disparaître très progressivement, les « nouveaux entrants » ne pouvant plus bénéficier de leurs avantages en matière de retraite à compter du 1er septembre 2023. Ces nouveaux entrants seront donc affiliés au régime général. Ces dispositions ne s'appliqueront pas au régime des marins pêcheurs, de l'Opéra de Paris ou de la Comédie Française, ni aux régimes des professions libérales et des avocats.

VIDEO. Réforme des retraites : ce qu'il faut retenir des annonces d'Elisabeth Borne

Solenn Poullennec

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres
Publicité