Réforme des retraites : les annonces du gouvernement pour la fonction publique

Entourée de trois ministres – dont celui de la Fonction publique – Elisabeth Borne a présenté ce 10 janvier le projet de réforme des retraites. Au menu : relèvement progressif de l’âge légal de départ à 64 ans et accélération de l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans, pour tous. Le gouvernement défend "un projet d’équilibre, de justice et de progrès". Une série de mesures visent à permettre de "mieux organiser les fins de carrières" et d’"améliorer la prévention de l’usure professionnelle", y compris dans la fonction publique.

Les grands principes de la réforme des retraites seront appliqués "de façon strictement identique" aux salariés et aux agents publics, a souligné ce 10 janvier le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini. Peu avant, la Première ministre, Élisabeth Borne, avait détaillé au cours d’une conférence de presse les arbitrages retenus par le gouvernement pour "préserver" l’équilibre du système de retraites par répartition. À compter du 1er septembre prochain, l’âge légal de départ à la retraite - qui est aujourd’hui fixé à 62 ans - sera relevé progressivement de 3 mois par an, pour atteindre 64 ans en 2030. Parallèlement, l’exigence de 43 ans de cotisation prévue par la réforme Touraine de 2014, pour partir avec une retraite à taux plein, sera appliquée plus rapidement (dès 2027). En revanche l’âge auquel les personnes peuvent partir à la retraite sans décote, quelle que soit leur durée de cotisation, sera maintenu à 67 ans.

Pour autant, les caractéristiques des régimes de retraite de la fonction publique ne changeront pas. Comme le ministre en charge de la fonction publique l’avait annoncé lors des concertations de l’automne dernier, le mode de calcul des pensions publiques restera fixé sur la base des six derniers mois de la carrière des agents et de la seule rémunération indiciaire. Comme aujourd’hui, le régime indemnitaire - c’est-à-dire les primes des fonctionnaires - n’ouvrira pas de droits pour la retraite.

"Des mesures d’équité"

Par ailleurs, les catégories actives, qui ouvrent la possibilité d’un départ anticipé pour les emplois "présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles" (égoutiers, policiers municipaux, aides-soignants, sapeurs-pompiers…), seront maintenues. Les agents concernés pourront faire valoir leurs droits à la retraite à partir de 54 ans (au lieu de 52 ans aujourd’hui), ou 59 ans (au lieu de 57 ans). En revanche, les durées minimales de service actif à valider (17 ou 27 ans, selon les cas) resteront inchangées.

La réforme des retraites est "un projet global", a plaidé la Première ministre. Au-delà du décalage de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, il vise à "donner de nouveaux droits", il est "porteur de progrès social", a-t-elle dit. "Le gouvernement a décidé de porter des mesures d’équité. Elles sont le fruit des concertations que nous avons eues avec les organisations syndicales jusque dans les derniers jours", a pour sa part déclaré Stanislas Guerini.

Ainsi, pour "faciliter la transition entre la vie professionnelle et la retraite, et permettre aux agents, comme aux employeurs publics, de mieux organiser les fins de carrières", le dispositif de la retraite progressive sera étendu à la fonction publique et rendu plus incitatif. Les agents qui le souhaiteront pourront de cette manière passer à temps partiel à partir de deux années avant l’âge de leur départ en retraite. Ce changement s’effectuera sans perte de rémunération, puisque l’agent touchera "par anticipation une partie de sa retraite". Il n’y aura pas non plus d’"impact défavorable sur la pension finale" perçue par l’agent, précise Matignon. Durant les deux années du dispositif, le bénéficiaire "continuera à valider des trimestres" dans la perspective de la liquidation définitive de ses droits à la retraite.

Portabilité des droits en catégorie active

Pour "mieux prendre en compte la pénibilité" de certains métiers, tout "en favorisant les reconversions professionnelles", le gouvernement a décidé deux mesures. D’abord, un agent exerçant un métier classé en catégorie active et qui décidera de changer de métier conservera le bénéfice de sa durée de service et donc la possibilité d’un départ anticipé. L’objectif est d’ouvrir des possibilités d’aménagement dans la conduite des carrières, notamment pour permettre à des agents d’effectuer une seconde carrière dans un métier moins pénible. Autre amélioration : les périodes sous statut de contractuel avant titularisation sur un métier relevant de la catégorie active seront à l’avenir prises en compte dans le calcul de la durée de service pour bénéficier du droit à un départ anticipé.

En revanche, la liste des métiers ouvrant droit à la catégorie active ne doit, en principe, pas être élargie, ni même modifiée. Selon une source proche de la Première ministre, le gouvernement écarte une telle évolution.

Le gouvernement veut également améliorer la prévention de l’usure professionnelle, une question qui sera particulièrement aiguë si l’âge de départ en retraite est reculé. Pour les métiers territoriaux, "des travaux approfondis seront poursuivis avec les employeurs territoriaux (…) pour viser à développer de nouveaux instruments collectifs de renforcement du maintien dans l’emploi, favoriser les transitions professionnelles, ainsi que prévenir les risques", a précisé Stanislas Guerini.

Fonds de prévention pour les personnels médicosociaux

Une réflexion spécifique aux établissements de santé et aux établissements médicosociaux des fonctions publiques hospitalière et territoriale sera par ailleurs lancée très prochainement. Une mission pilotée notamment par Rodolphe Soulié, DRH du CHU de Strasbourg, remettra ses propositions au printemps. D’ores et déjà, la création d’un fonds de prévention pour les personnels de santé et médicosociaux a été retenue. Doté de 100 millions d’euros par an (financés par l’Assurance maladie), ce fonds permettra de mettre en place des actions de prévention en direction des personnels soignants des établissements médicosociaux (dont les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

On notera que certaines des mesures annoncées par la Première ministre ne seront pas appliquées à la fonction publique. Ainsi, les fonctionnaires ne seront pas concernés par l’augmentation de la pension minimale jusqu’à 85% du Smic. Le secteur public dispose d’un dispositif spécifique, le minimum garanti, qui est jugé protecteur. De même, la création d’un "index seniors" destiné à faire la transparence dans les entreprises et l’obligation pour celles-ci d’ouvrir des négociations sur l’emploi des seniors n’auront pas d’équivalent dans la fonction publique, où ces problématiques sont considérées comme beaucoup moins prégnantes.

C’est lors du conseil des ministres du 23 janvier que le gouvernement présentera le "projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale portant réforme des retraites". L’Assemblée nationale l’examinera dès le mois de février, l’adoption étant prévue pour le mois de mars. Un calendrier ultra-rapide qui doit permettre à la réforme d’entrer en vigueur dès septembre prochain.

Présentant un front uni, les syndicats ont sonné la mobilisation contre le recul de l’âge de départ à la retraite. Pour la fonction publique, l’intersyndicale a appelé tous les agents à refuser une réforme jugée "injuste et inutile", notamment en participant "massivement" à la journée de grèves prévue le 19 janvier. Ce sera le début d’un bras fer.

tableau retraites

© Gouvernement

 

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