Indices de position sociale : au tour des lycées de montrer leurs fractures

La publication des indices de position sociale des lycées français met en avant d'importantes fractures. Celles-ci s'établissent selon le statut public ou privé des établissements, le type de filière ainsi que les territoires où ils se situent.

Les jeux de données se suivent et se ressemblent. À l'automne 2022, contraint par une décision de justice, le ministère de l'Éducation nationale avait publié le détail par établissement de l'indice de position sociale (IPS) des classes de CM2 et des collèges à la rentrée 2021/2022. L'IPS ? Il s'agit d'un indicateur créé en 2016 par le ministère de l'Éducation nationale afin de mesurer aussi finement que possible l'origine sociale des élèves. Il tient compte de la profession des parents mais aussi de facteurs tels que les conditions matérielles du foyer ou les pratiques culturelles de la famille. À travers toutes ces données, l'IPS se propose de dresser le profil social des établissements.

Dans une tribune mise en ligne fin décembre, Pap Ndiaye s'engageait à aller plus loin : "Nous avons récemment publié les indices de positionnement social des collèges et nous le ferons prochainement pour les lycées." Le ministre de l'Éducation nationale a tenu parole. Les IPS des quelque 3.607 lycées de France viennent d'être à leur tour publiés. Et les observations que suggèrent leurs données sont en tous points identiques à celles provenant des données pour les classes de CM2 et de collèges (lire notre article du 21 octobre 2022).

Le privé devant le public

Alors que l'IPS moyen au niveau national tous types de lycées confondus s'établit à 103,91 à la rentrée 2021/2022, on observe sans surprise un écart marqué entre l'IPS moyen des lycées publics (99,56) et celui des lycées privés (112,58).

En resserrant la focale sur les cent lycées affichant les IPS les plus élevés, on remarque que si l'établissement occupant la première place – le Lycée franco-allemand de Buc, dans les Yvelines, qui présente un IPS de 159 – est public, 82% sont des établissements privés sous contrat.

À l'inverse, alors que le lycée détenant l'IPS le plus bas de France – le Lycée professionnel de coiffure et d'esthétique des Abymes, en Guadeloupe, avec 49,5 – est un établissement privé sous contrat, 84% des cent lycées affichant les IPS les plus bas sont publics.

Les lycées professionnels en retrait

Un autre fossé important sépare les établissements selon qu'il s'agit de lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) ou de lycées professionnels (LP). Les LEGT ont un IPS moyen de 118 et 84,5% d'entre eux se situent au-dessus de la moyenne nationale. On trouve par ailleurs 99 LEGT parmi les cent lycées affichant les IPS les plus élevés.

De leur côté, les LP présentent un IPS moyen de 86,8, et seuls 6,7% d'entre eux se positionnent au-dessus de la moyenne nationale. De plus, les LP représentent 76% des cent lycées affichant les IPS les plus bas.

Quant aux lycées polyvalents (LPO), qui regroupent les voies générale, technologique et professionnelle, ils détiennent un IPS moyen de 101,73 et 46% d'entre eux sont au-dessus de la moyenne nationale. On note encore que parmi les cent lycées dont l'IPS est le plus bas, 20% sont des LPO.

L'Île-de-France en tête

La dernière approche comparative que permettent les jeux de données portant sur les IPS des lycées français est d'ordre géographique. Ici, que l'on aborde la question largement – par académie – ou plus en détail – par département –, une fracture apparaît de nouveau. Plusieurs territoires franciliens se positionnent en haut de liste, tandis que les territoires d'outre-mer occupent la queue du classement. De la même façon, il existe de nettes différences entre certains territoires de l'Ouest et du Sud-Ouest, mieux placés, et d'autres, situés dans le Nord et le Nord-Est.

Par académie, tous types de lycées confondus, Paris affiche à la rentrée 2021/2022 l'IPS le plus élevé de France (117,52), devant Versailles (114,88) et Nantes (108,77). À l'opposé, l'académie de Mayotte enregistre l'IPS le plus bas (68,12). En métropole, trois académies ont des IPS inférieurs à 100 : Lille (94,93), Amiens (96,97) et Nancy-Metz (97,54).

Il est par ailleurs intéressant de relever les écarts qui peuvent exister d'un établissement à l'autre dans une même académie. Ainsi, dans l'académie de Versailles, on relève un IPS minimum de 71,6 pour le lycée polyvalent Arthur-Rimbaud de Garges-lès-Gonesse, tandis que le Lycée d'enseignement général franco-allemand présente un IPS de 159, soit un écart de 87,4 points. À Paris, le minimum est de 74,4 (lycée professionnel Armand-Carrel, dans le XIXe arrondissement) et le maximum de 155,9 (École active Jeannine-Manuel, XVe arrondissement), soit un écart de 81,5. Au contraire, avec un écart de 41,7, la Corse affiche plus d'homogénéité entre ses lycées.

France de l'Ouest, France de l'Est

Par département, ce sont cette fois les lycées des Yvelines qui possèdent l'IPS moyen le plus élevé de France (121,41) devant les Hauts-de-Seine (117,76). Toujours en Île-de France, l'Essonne est largement au-dessus de la moyenne nationale (112,32). Cinq autres départements, tous situés dans la partie ouest/sud-ouest du pays, se placent au-dessus de 110 : Indre-et-Loire (110,5), Ille-et-Vilaine (111,47), Gers (111,71), Haute-Garonne (112,27) et Loire-Atlantique (113,14).

Outre Mayotte, les quatre autres départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion) ont tous des IPS compris entre 80 et 92. En métropole, cinq départements d'un grand quart nord/nord-est se situent en dessous de 95 : Pas-de-Calais (92,58), Seine-Saint-Denis (93,6), Ardennes (93,95), Aisne (94) et Meuse (94,16).

Comme l'a résumé Pap Ndiaye, "ces indices démontrent l’existence de forts écarts sociaux dans la carte scolaire, alors que nous savons que la mixité est un facteur de réussite pour tous". Le ministre de l'Éducation nationale a donc annoncé qu'il présentera "dans quelques semaines un éventail d’actions visant à favoriser la mixité. Des objectifs seront assignés aux recteurs d’académie, qui, en lien avec les collectivités territoriales, pourront notamment agir sur les affectations scolaires. L’enseignement privé sous contrat devra apporter sa contribution à cet effort".