Quand le "vivre-ensemble" cède devant "l’entre-soi"

En quinze ans, la ségrégation entre les plus riches et les plus pauvres s'est accentuée dans la plupart des grandes villes françaises, observe l'Insee dans une étude publiée le 11 janvier.

Le "vivre-ensemble" ne résiste pas à l’épreuve des faits. En effet, les ségrégations spatiales entre riches et pauvres ne cessent de se creuser dans la plupart des grandes villes françaises, constate l’Insee dans une étude publiée le 11 janvier. Sur 50 villes étudiées de plus de 150.000 habitants, l’indice de ségrégation (c’est-à-dire la séparation des habitants en fonction de leurs revenus) a augmenté dans 30 d’entre elles entre 2004 et 2019, relève l’institut qui a classé les habitants de ces agglomérations en fonction de leur catégorie de revenus, des 20% les plus riches aux 20% les plus pauvres. Cet indice dit de "Theil" ne s’atténue que dans une quinzaine de villes, comme Cannes, Amiens, Strasbourg, Grenoble, Valenciennes ou Marseille. Même si la Cité phocéenne compte parmi les villes où la ségrégation spatiale est la plus forte. 

L’évolution sur quinze ans montre une forte "inertie" des villes, comme s’il était difficile d’aller contre ces phénomènes de séparation. Ils ont même tendance à s’accentuer : la part des quartiers les plus riches a augmenté de 2,1 points, et celle des quartiers les plus modestes de 1,2 point. En revanche, la part des quartiers les plus homogènes a diminué de 2,8 points sur la période.

Part importante de logements sociaux

La taille de la ville ou la densité de sa population ne sont pas des facteurs déterminants quant à la plus ou moins grande ségrégation. Ainsi, au côté de Marseille, on trouve parmi les villes les moins mixées Lille, Rouen, Tours, Angers, Mulhouse, Nîmes, Le Havre, Avignon, Limoges et Poitiers. A l’inverse, la situation est plus homogène à Cannes, Annecy, Bayonne, Pau, Nice, Saint-Etienne ou Lens. Et elle est intermédiaire à Nantes ou Rennes, ainsi que dans les grandes villes de Martinique ou de La Réunion. Si Paris figure parmi les 15 villes où la ségrégation et la plus forte, Lyon appartient au contraire aux plus homogènes. "Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette diversité des niveaux de ségrégation, explique l’Insee : l’historique de développement urbain propre à chaque ville et les politiques publiques qui ont pu y contribuer, les spécificités des marchés immobiliers locaux, les dessertes en transports, l’offre scolaire, la localisation des emplois et des équipements, ainsi que les interactions avec les villes environnantes."

Les villes où la ségrégation est forte sont aussi celles où la part de logements sociaux est la plus élevée, avec de grands ensembles construits dans les années 1960. Il existe cependant des exceptions à la règle : des villes avec une forte proportion de logements sociaux et une ségrégation faible, notamment dans le Nord. C'est le cas de Lens, Dunkerque et, dans une moindre mesure, Valenciennes. L’Insee estime donc que la politique en matière de logements sociaux – leur localisation et les critères d’attribution – peut avoir un impact important sur la mixité des quartiers. De même que les autres politiques d’aménagement du territoire : éducation, sécurité, transports… Mais l'inertie observée ne plaide pas pour une grande efficacité de la politique de la ville.

 

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