Comment la France décline la nouvelle Politique agricole commune à sa main
Une nouvelle politique agricole s'applique depuis le 1 er janvier et jusqu'en 2027 aux 27 pays membres de l'UE. De moins en moins commune, elle tient plus désormais de la juxtaposition de régimes nationaux.
La nouvelle politique agricole s'applique depuis le 1er janvier et pour quatre ans aux 27 pays membres de l'UE. De moins en moins commune, elle tient de plus en plus de la juxtaposition de régimes nationaux. Plusieurs pays membres ont poussé dans ce sens, parmi lesquels la Pologne et l'Irlande, très demandeuses d'une plus grande autonomie de décision.
La Commission européenne a répondu favorablement à leurs attentes et prié chacun des Etats membres de lui présenter un plan stratégique national (PSN) pour aller dans ce sens. Le risque étant que des distorsions de concurrence ne naissent de cette multitude de politiques au sein d'un ensemble dont l'esprit initial était le contraire.
« L'exécutif européen se réserve un droit d'évaluation annuel de ces PSN quitte à y apporter les correctifs qu'elle jugera nécessaire », explique Thierry Pouch, l'économiste des Chambres d'agriculture. Liberté oui mais liberté surveillée.
Surveillance satellitaire
Cette étroite surveillance se manifestera aussi via des contrôles satellitaires des exploitations agricoles. Grâce aux images Sentinel fournies par le programme européen Copernicus, la Commission s'assurera, par exemple, que les cultures primées pour leur contribution écologique (comme les légumineuses) sont bien conformes aux déclarations PAC des agriculteurs. De même pour les rotations des cultures. Parallèlement, Bruxelles a introduit, à la demande de la France, le droit à l'erreur dans les déclarations des agriculteurs et la possibilité de dialoguer au lieu de sanctions immédiates.
La nouvelle PAC se veut en effet plus vertueuse sur le plan environnemental et intègre les contraintes liées au « Green deal » de l'Union européenne qui a l'ambition de verdir tous les secteurs d'activité et de limiter leur impact sur le climat.
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La réforme comporte pour cette raison un système d'éco-régimes primés. A chaque pays ses choix de pratiques vertueuses. Le niveau d'aide varie en fonction de l'effort fourni de 60 à 80 euros l'hectare et du nombre de points attribués à chaque exploitation, selon qu'elle a plus ou moins de prairies, de terres non labourées ou de couvert végétal, par exemple. Une exploitation bio percevra 30 euros de plus à l'hectare. De même pour celles qui sont certifiées HVE (Haute Valeur Environnementale) ou qui pratiquent l'agriculture de précision.
Des aides modifiées
Les pratiques favorables à la biodiversité sont elles aussi récompensées. Elles vaudront un bonus de 7 euros par hectare aux fermes ayant planté des haies, pratiquant la jachère, disposant de bordures non productives ou de mares, etc. Les aides directes à la production ont un peu augmenté mais elles n'ont pas fondamentalement changé en France.
Julien Denormandie, le ministre de l'Agriculture qui a orchestré l'élaboration du PSN, n'a pas souhaité bouleverser la répartition des soutiens entre éleveurs et céréaliers . Cela a été fait à plusieurs reprises par des gouvernements précédents, provoquant chaque fois de vives protestations des céréaliers ponctionnés de 28 % de leurs primes entre 2010 et 2019. Néanmoins, les aides aux bovins ont été réduites au profit de ceux qui développent les protéines végétales. L'idée est de réduire le déficit de l'UE en la matière.
Aide accrue aux jeunes
Parmi les nouveautés, Julien Denormandie a instauré une aide de 10 millions d'euros au maraîchage. La subvention aux agriculteurs qui se convertissent au bio a été très sensiblement majorée pour atteindre 340 millions d'euros (+36 %), à la demande de la Commission européenne qui avait jugée insuffisante la proposition initiale. L'objectif est de doubler les surfaces et d'atteindre 18 % de la SAU (surface agricole utile).
L'installation des jeunes est dotée d'une enveloppe de 200 millions d'euros en France, passant ainsi de 2 % à 3 % du total des paiements directs (6,7 milliards d'euros par an), pour tenter de pallier le problème du renouvellement des générations. Un effort particulier est prévu en faveur des petites et moyennes exploitations qui recevront plus de 10 % des aides directes.
Au total, le PSN français n'a en rien simplifié la politique agricole toujours dite « commune ». Le maquis des aides et les conditions auxquelles les agriculteurs doivent souscrire pour en bénéficier ont conservé toute la complexité qui rend indispensables formation et conseils.
Marie-Josée Cougard