Sur le papier, rien ne l’y poussait tellement. Mère d’une élève de terminale dans un lycée réputé de la région parisienne, avec d’excellentes notes dans toutes les matières, Elise Masiulis le reconnaît volontiers : « Objectivement, nous n’avions aucune raison de nous inquiéter pour notre fille. » Pourtant, saisie d’une vive anxiété à l’approche des choix pour le postbac, cette cadre du secteur médico-social a décidé de payer les services d’une coach en orientation pour son enfant. Six cents euros pour trois séances, commencées en classe de première. « Un contexte hyperanxiogène entoure la procédure Parcoursup : on ne sait rien des algorithmes, j’avais peur qu’elle se retrouve sans aucun choix qui lui plaise vraiment », justifie-t-elle.
La mère de famille a entendu parler du coaching par quelqu’un de son entourage. « C’était une solution personnalisée et, dans la masse anonyme des élèves, c’était rassurant, souligne-t-elle. Concrètement, la coach a surtout fait un travail de liste de formations que j’aurais pu faire seule. Que ma fille puisse confronter ses idées m’a déstressée, mais c’est tout de même cher payé, la sérénité. » Dans le lycée de sa fille, il y a bien des psychologues d’orientation ou des professeurs impliqués, mais elle craignait que cela ne suffise pas. « La compétition entre les élèves nous pousse à avoir recours au privé pour nous différencier, c’est regrettable », déplore-t-elle.
Dans le sillage du lancement de la plate-forme Parcoursup, en 2018, une myriade d’acteurs privés se sont engouffrés dans la brèche de cette anxiété exprimée au sein des familles. Alors que la pression démographique est grandissante à l’entrée de l’enseignement supérieur et que Parcoursup cristallise le stress autour de l’orientation, ces officines de coaching et ces avocats spécialisés dans les recours juridiques sont dopés à l’angoisse scolaire. « Des professionnels m’ont très clairement dit qu’ils y voyaient un marché à prendre », raconte ainsi la sociologue Anne-Claudine Oller, qui s’est intéressée à l’une des facettes de cet essor marchand, dans Le Coaching scolaire. Un marché de la réalisation de soi (PUF, 2020).
« J’avais été frappée de voir apparaître des stands de coachs privés dans les salons d’orientation : c’était très nouveau », explique la chercheuse, qui estime dans son ouvrage que le chiffre d’affaires du marché de l’aide à l’orientation a augmenté de 63 % entre 2015 et 2020. Interrogée par Le Monde, en 2018, la fondatrice du réseau de coaching Tonavenir, Sophie Laborde-Balen, jaugeait la hausse de son activité « de 25 % à 30 % » en un an – conséquence directe de l’arrivée de Parcoursup. Elle se montre plus prudente aujourd’hui quant au dévoilement de ses chiffres, mais confirme que « de plus en plus de parents [les] sollicitent chaque année, perdus devant les multiples formations et la sélectivité qui augmente ».
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