Formafantasma, « forme fantôme » en italien. Fantôme, car ce ne sont ni la forme ni le style qui dictent le travail de ce studio, fondé aux Pays-Bas en 2009 par les Italiens Andrea Trimarchi, 39 ans, et Simone Farresin, 42 ans. Leur vision du design va bien au-delà du dessin de meubles ; elle repose sur la recherche, étudiant les forces écologiques, historiques, politiques et sociales qui façonnent la discipline. Considérant l’objet du début à la fin de sa « vie ».
Depuis une décennie, le duo se voit donc associé à des projets divers et novateurs. En 2017, ils se font remarquer à Melbourne puis à Milan avec « Ore Streams », une exposition sur la gestion des déchets électroniques : ils y présentent du mobilier réalisé à partir d’iPhone et d’ordinateurs obsolètes. En 2020, le projet « Cambio », qui interroge les usages du bois et les liens entre l’humain et les arbres, à la Serpentine Gallery de Londres, marque aussi les esprits.
Comme une prolongation de ce travail, Formafantasma présente en juin 2022, au Salon du meuble de Milan, en collaboration avec Prada, une exposition sur la forêt invitant philosophes, anthropologues et scientifiques à s’exprimer sur l’écosystème forestier, les logiques de l’industrie du bois et le rôle du design comme moteur du changement.
Issus de l’Académie de design d’Eindhoven (Pays-Bas), ils y dirigent aujourd’hui un département de « géo-design », afin de transmettre aux nouvelles générations une vision d’un design durable et global.
Pour vous, le rôle de designer va bien au-delà du design d’objet ; il est même politique, à l’heure de la crise climatique et de la montée du populisme. Comment mettez-vous ces convictions en pratique ?
Andrea Trimarchi : Les designers ont une position privilégiée et exigeante, à mi-chemin entre l’extraction de la matière première et la création de l’objet final. Dans notre programme à l’Académie de design d’Eindhoven, nous apprenons par exemple aux jeunes générations à produire un design beaucoup plus vertueux, à travers le choix de nouveaux matériaux ou de nouveaux modes de production. Nous ne sommes pas dans une époque de grande créativité formelle, mais plutôt de bouleversements dans le processus de production, que nous mettons en œuvre à notre échelle. Par exemple, pour notre dernière exposition à la Triennale de Milan, fin 2022, au lieu d’utiliser des cloisons en dur ensuite jetées à la benne, nous avons remplacé le contreplaqué par des lés de papier qui seront ensuite réutilisés pour des ateliers proposés au public. Ce sont ainsi plusieurs centaines de kilos de matière première qui sont sauvegardés.
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