Logiciels libres à l'école : "Il faut mettre la pression sur les États et l'Union européenne", estime l’EPI

"Il faut que l'Union européenne et les gouvernements s'engagent pour une plateforme européenne libre pour la numérisation de l'éducation", estime l'association l'EPI (Enseignement public et informatique), en réaction à la publication fin 2022 au JO de la réponse du ministère de l'Education nationale demandant de stopper le déploiement des outils de Microsoft et Google dans les écoles françaises. 

"Il existe déjà des outils alternatifs à ceux des Gafam, des suites d'outils numériques libres pour l'éducation". Dans l'édito de son dernier numéro du 15 janvier 2022, l’association Enseignement public et informatique (EPI) revient sur la demande du gouvernement en novembre 2022 de stopper le déploiement des outils de Microsoft et Google dans les écoles (notre article du 21 novembre 2022). "Dans un contexte où la question de la protection des données personnelles s'impose peu à peu dans le débat public, la crise du Covid-19 a accéléré la mise en lumière de l'omniprésence dans les classes de grands groupes privés états-uniens, Microsoft et Google en tête", constate-t-elle. L’association relève que dans la réponse, publiée au Journal officiel le 15 novembre 2022, le ministère de l'Education nationale a fait l’emploi du conditionnel et non du présent ("qui seraient contraires au RGPD") et regrette qu’aucune échéance ne soit indiquée.

De manière très documentée, elle retrace l’histoire de l’emprise des Gafam - les fameux Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoftsur l’école française et s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour les stopper. L'impulsion pour plus de logiciels libres dans les écoles pourrait-elle venir du ministère de l'Éducation ? "L'an dernier, la direction du numérique de l'Éducation nationale a embauché Alexis Kauffmann, l'un des cofondateurs de Framasoft, l'association française historique de promotion du logiciel libre", se félicite l’EPI précisant que depuis, ce dernier y est chargé de développer des projets de logiciels et ressources éducatives libres.

Mettre la pression sur les États et l’Union européenne

Mais à ce stade, l’association estime qu’il faut surtout "mettre la pression sur les États et l'Union européenne".  Elle cite notamment une décision allemande du 3 décembre 2022 qui va dans ce sens et qui dit exclure l'offre Microsoft 365 dans ses écoles, l'estimant non conforme au RGPD. "Si les multinationales de l'informatique ont pu avoir tant de place dans l'éducation, c'est parce que les institutions n'ont pas pris leurs responsabilités", condamne-t-elle avant de recommander que "l'Union européenne et les gouvernements s'engagent pour une plateforme européenne libre pour la numérisation de l'éducation". Car selon elle, "la morale impose que la numérisation de l'éducation et de l'administration en général se fasse par des moyens qui garantissent la souveraineté des données des citoyens".

Des législations française et européenne vidées de leur contenu

L’EPI mentionne également une étude de l'Observatoire des multinationales publiée mardi 13 décembre 2022, sur les vecteurs d'influence dont se servent les géants du numérique pour obtenir des décisions en leur faveur. Ainsi, d'après cette enquête de 2017 à 2021, les budgets des filiales françaises de Microsoft et de Google sont respectivement passés de 450.000 euros à 1.125.000 euros et de 350.000 euros à 1.625.000 euros.  Dans ces multiples lobbyngs, l’EPI dénonce des interventions en amont des géants du numérique "pour tenter de vider de leur contenu les législations française et européenne qui pourraient leur mettre des bâtons dans les roues". Exemple : "Amazon qui s'est intéressé à la loi climat, frein à l'implantation de nouveaux entrepôts" et "Microsoft n'est jamais loin des sujets de santé".

Le combat du libre

Dans le même temps, "le libre étant l'antidote à l'informatique propriétaire, le combat pour des logiciels et des ressources libres présente", selon l'EPI" trois enjeux essentiels". Le premier est un enjeu informatique proprement dit. En effet, l'EPI rappelle que "le libre a permis la constitution au plan mondial d'un bien commun informatique".  Le second enjeu est financier : "La licence GPL permet aux élèves, et aux enseignants, de retrouver à leur domicile leurs outils informatiques, sans frais supplémentaires et en respectant la légalité", illustre l'EPI. 

Enfin notons des enjeux de culture générale scolaire. "Une des missions de l'école est la formation du citoyen, rappelle l'EPI qui estime que le libre est une façon (efficace) de produire des biens de connaissance dont on sait qu'ils sont de plus en plus présents dans tous les secteurs de la société, les processus de création de la richesse". "L'Éducation nationale dit donc qu'elle tente de limiter l'emprise des Gafam [...] Il serait temps", conclut l'EPI.