Paris offre un exemple, à l’échelle d’une ville, des effets de la coexistence de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat, réunis sous la même bannière de l’éducation nationale mais soumis à des règles différentes. Les écarts de mixité sociale, dans un environnement très concurrentiel, en sont la manifestation la plus connue.
Alors que, en transformant la plate-forme Affelnet, le rectorat de Paris a réformé en profondeur l’affectation des lycéens dans les établissements publics, pour les obliger à mélanger les élèves, les établissements privés, très sélectifs, ont conservé leurs propres procédures d’admission.
Le cloisonnement des deux systèmes aboutit à d’autres divergences, moins connues. Le Monde a eu accès à une base de données interne à l’éducation nationale, dont l’analyse révèle d’importants écarts en matière d’allocation des financements de l’Etat au sein des établissements, selon qu’ils appartiennent au privé sous contrat ou au public. Ces chiffres confidentiels – que Le Monde n’a pu consulter que pour Paris – montrent que les moyens d’enseignement par élève, attribués par le rectorat, sont supérieurs dans les lycées généraux privés de la capitale à ceux de leurs homologues du public, à effectif et composition sociale équivalents.
Parmi ces lycées bien dotés figurent les institutions privées très sélectives, dont les taux de réussite et de mentions au baccalauréat atteignent des sommets, comme Stanislas, Saint-Jean-de-Passy, Jeannine-Manuel, Saint-Michel-de-Picpus, ou encore l’Ecole alsacienne.
Un déséquilibre qui se répercute nécessairement à d’autres niveaux. Ce qui est donné en plus au lycée est prélevé sur une enveloppe globale qui va du primaire au secondaire et qui est proportionnelle à celle du public par rapport à leurs effectifs respectifs.
« Avec une trentaine d’heures, j’ouvre une classe de plus »
Le Monde s’est concentré sur les soixante et un lycées ne comportant que des séries générales – la comparaison avec les voies technologiques et professionnelles est également favorable au privé, mais elle est plus difficile à analyser car ces filières exigent des dotations en heures plus élevées et très variables. Un indicateur scruté de près par l’éducation nationale donne une idée des moyens dont dispose un établissement : le « H/E », soit le nombre d’heures d’enseignement hebdomadaire divisé par le nombre d’élèves. Plus il est élevé, plus l’encadrement et les conditions d’enseignement sont favorables.
En 2021, dernière année de disponibilité des données, la moyenne est de 1,1 pour les lycées généraux publics parisiens, contre 1,27 dans le privé. Pour comprendre les conséquences de cet écart à l’échelle d’un établissement, il faut regarder sa traduction dans les dotations horaires globales. Connues dans la communauté éducative sous le nom de « DHG », ces enveloppes, que les directions reçoivent début janvier, sont un enjeu majeur pour les équipes. Elles correspondent au nombre d’heures – et, in fine, au nombre de postes de professeurs – que l’éducation nationale donne aux collèges et lycées pour assurer les enseignements obligatoires, proposer plus ou moins de spécialités en lycée, créer des options, mettre en place des heures de soutien ou des cours en demi-groupe.
Il vous reste 77.38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.