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Censure ou progrès ? Les « sensitivity readers », qui traquent les préjugés ethniques et sexuels dans les livres, émergent dans l’édition en France

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Publié le 15 janvier 2023 à 01h00, modifié le 16 janvier 2023 à 10h44

Temps de Lecture 10 min. Read in English

Les Filles comme nous, le premier roman de l’Américaine d’origine philippine Daphne Palasi Andreades, 30 ans, vient de paraître, le 12 janvier, en France. Brown Girls (son titre original) retrace la trajectoire d’une cohorte de filles et de femmes originaires du Queens, quartier populaire de New York. Des Américaines issues de l’immigration qui tentent de trouver leur place.

Quelques mois avant la publication, la directrice éditoriale des Escales, Sarah Rigaud, cherche la juste traduction en français du terme « brown girls », qui revient tout au long du texte. Elle fait appel à la maîtresse de conférences en civilisation américaine de l’université de Tours Maboula Soumahoro pour trouver le mot juste et relire attentivement le manuscrit. Engagée dans les débats sur la question décoloniale, « afropéenne » revendiquée, cette chercheuse voit dans sa mission (rémunérée) une simple question de « bon sens, d’honnêteté et de recherche de qualité ».

Dans les pays anglo-saxons, « brown » désigne communément les individus de couleur qui ne sont pas noirs : les Asiatiques, les Latinos et ceux originaires du sous-continent indien ou du Moyen-Orient. « “Filles de couleur” ne convenait pas, car, en France, ce terme désigne les personnes noires », explique Maboula Soumahoro. Après discussion avec l’éditrice et la traductrice du texte, Emmanuelle Aronson, elle a proposé « filles à la peau brune ».

Une controverse d’une ampleur inédite

Scruter dans un texte les descriptions de personnages issus de minorités ethniques, sexuelles et culturelles afin d’éviter les stéréotypes offensants est une démarche peu courante en France. Pourtant, en quelques années, cette approche est devenue omniprésente dans le monde anglo-saxon, sous le nom de sensitivity reading (relecture en sensibilité).

Ce nouveau métier se développe à grande vitesse, dans un climat assimilé par certains à un retour de la censure et jugé par d’autres nécessaire pour que l’industrie, majoritairement blanche et privilégiée, prenne conscience de ses préjugés racistes, sexistes ou homophobes. Officiellement ou non, toutes les grandes maisons d’édition y ont recours et les agences spécialisées se multiplient.

Longtemps cantonné à la littérature « jeunes adultes » (un secteur qui fait souvent l’objet de débats passionnés sur les réseaux sociaux), le sensitivity reading s’est généralisé à la suite de la parution d’American Dirt, de Jeanine Cummins (éd. Philippe Rey), en 2020. Sélectionné par la célèbre animatrice de télévision Oprah Winfrey pour son ultrapopulaire « Book Club », diffusé sur Apple TV +, recommandé par les écrivains stars Stephen King, Don Winslow et John Grisham, le roman est alors pressenti pour être l’un des best-sellers de l’année. Il raconte la fuite aux Etats-Unis d’une libraire mexicaine et de son fils menacés par les cartels mexicains.

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