Marie-Françoise Saudraix-Vajda ne mâche pas ses mots. « Partir du principe que les étudiants vont tricher plutôt que de travailler, c’est quand même un peu désobligeant, vous ne croyez pas ? », estime la maîtresse de conférences en histoire. Depuis sa mise en ligne, en novembre 2022, ChatGPT, un prototype d’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour interagir avec ses utilisateurs, inquiète les communautés enseignantes. Le logiciel, capable de répondre à n’importe quelle question avec des textes courts de bonne qualité, pourrait être utilisé massivement pour tricher. « Je ne suis pas vraiment inquiète », dit la chercheuse. Même si, dans les boucles de conversation entre enseignants, le sujet divise, la dizaine d’enseignants-chercheurs avec lesquels Le Monde a pu échanger partagent malgré tout cette sérénité.
« L’effervescence autour de ChatGPT est avant tout médiatique, analyse, de son côté, Laure Soulier, maîtresse de conférences et chercheuse rattachée à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique. La grande nouveauté est qu’OpenAI propose cette technologie au grand public. » La technologie de la société OpenAI inquiète, pourtant. Les universités australiennes ont ainsi déjà changé leurs modalités d’examen pour revenir aux devoirs sur table, tandis que ChatGPT est désormais inaccessible au sein des écoles de la ville de New York. En France, interrogé par BFM-TV, le ministère de l’éducation nationale explique, de son côté, suivre « attentivement cette question et les potentielles utilisations de cette innovation ».
Pourtant, pour l’heure, les effets de ChatGPT ne se font pas encore sentir dans l’enseignement supérieur français. Le principal témoignage de triche, révélé par nos confrères du Progrès et concernant sept étudiants d’une classe de quatorze, est aujourd’hui remis en doute par nos confrères de BFM-TV.
« Ce qu’il faut comprendre, c’est que ChatGPT fonctionne en prédisant, à partir des mots précédents, le mot suivant le plus probable, reprend Laure Soulier. Il y a des structures régulières, des formes de ponctuation particulières. On peut arriver à identifier ces points, et donc repérer l’utilisation d’intelligence artificielle. »
Lancé le 16 janvier, le site Detector.dng.ai permet déjà d’analyser l’utilisation de l’IA dans un texte. Les entreprises de logiciels antiplagiat, largement utilisés dans le monde universitaire, se disent déjà sur le coup. « Nous préparons, depuis plusieurs années, une fonctionnalité de détection des similitudes fondée sur le sens et l’agencement des idées dans un texte, développe Frédéric Agnès, dirigeant de Compilatio, un important fournisseur de logiciel antiplagiat pour les universités françaises. A la suite de l’intérêt récent pour ChatGPT, nous priorisons nos travaux pour identifier plus rapidement les sources à partir desquelles il produit ses textes, détecter les similitudes de style entre un texte et “l’auteur ChatGPT” et, enfin, la cohérence entre un texte d’un étudiant et ses productions antérieures. »
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