En ce mois de janvier placé sous le signe de la crise du « coût de la vie », les files d’inscrits à l’aide alimentaire des Restos du cœur s’allongent : 18 % de demandeurs en plus par rapport au même mois de 2022, après des progressions de 17 % en décembre et de 15 % en novembre. Pour tenir, l’association créée par Coluche souligne qu’elle s’appuiera essentiellement, comme elle l’a toujours fait, sur les dons d’argent et de produits alimentaires, ainsi que sur le temps offert par ses 70 000 bénévoles.
Si la réputation de l’Homo economicus, présumé égoïste et calculateur, a longtemps détourné les économistes de l’étude des activités charitables, la place croissante de la philanthropie dans le financement de nombreux secteurs d’activité amène à se questionner sur son impact, de la lutte contre la pauvreté à l’action sociale, de la recherche médicale à l’éducation en passant par la culture ou l’environnement…
Entre 2010 et 2021, le montant des seuls dons déclarés aux services fiscaux français par les particuliers a été multiplié par deux et celui des entreprises par 2,3. Indice de cette montée en puissance, certains avancent que la philanthropie à la française équivaut à l’envergure budgétaire d’un ministère. C’était le cas en 2021, où la collecte totale auprès des particuliers et des entreprises est estimée autour de 9 milliards d’euros, un chiffre supérieur à la dotation du ministère de la justice, de 8,2 milliards d’euros la même année.
La France du bénévolat
Françoise Benhamou, professeure d’économie émérite à la Sorbonne-Paris-Nord et présidente du Cercle des économistes, a été « frappée par la variété des formes que peut revêtir le don » en écrivant avec Nathalie Moureau, professeure à l’université Paul-Valéry Montpellier, un ouvrage sur Le Don dans l’économie (La Découverte, 2022). « Le don aujourd’hui, ce sont aussi bien les milliardaires du luxe qui se mobilisent en quarante-huit heures après l’incendie de Notre-Dame, en avril 2019, qu’une multitude de petites sommes qui peuvent changer la vie. » Cela va de l’arrondi de caisse au supermarché de quartier à la pièce donnée à un inconnu dans la rue, au financement participatif sous forme de dons ou aux collectes des moteurs de recherche dits « solidaires » en échange de vos données. Un inventaire qui laisse penser à ces deux autrices que l’économie du don est sous-évaluée.
Si l’on se base sur les seules données des services fiscaux, la France n’apparaît pas particulièrement bien placée en comparaison d’autres pays, relève Arthur Gautier, le directeur exécutif de la chaire philanthropie de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec). En 2019, le cumul des dons défiscalisés des ménages et des entreprises représentait 0,31 % du produit intérieur brut (PIB) français, contre 0,8 % au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne et jusqu’à 2,2 % outre-Atlantique.
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