Combien de vocations Saul Goodman et Kim Wexler, les avocats de la série Better Call Saul, ont-ils suscitées ? Et Alicia Florrick dans The Good Wife sait-elle qu’elle a fait briller les yeux de milliers de lycéens au point de les conduire tout droit à la fac de droit ? Cyrielle Maeso en L3 à Paris-I Panthéon-Sorbonne admet avoir été influencée, lors de son choix d’orientation en terminale, par l’image « hyperséduisante » des avocats que renvoient les séries américaines dont elle est fan : « Ils ont une vie trépidante. Pas un jour sans qu’ils soient confrontés à un cas impressionnant. »
« Les lycéens qui arrivent chez nous ne connaissent pas la matière. » Cécile Lecomte, vice-présidente chargée de l’orientation à l’université de Rennes-I
La jeune femme a beau savoir que la réalité des métiers juridiques n’est pas exactement celle véhiculée par les fictions, elle se laisse quand même séduire et postule en licence de droit. Un choix que ses parents voient d’un bon œil : « J’aime débattre et je suis plutôt à l’aise à l’oral, ils étaient convaincus que je ferais une bonne avocate. » Quant à ses professeurs de lycée, ils lui assurent qu’elle possède les qualités nécessaires pour réussir dans cette filière.
« Au final, je suis allée en droit en n’ayant aucune idée de ce que c’était vraiment », reconnaît la jeune femme. Elle n’est pas seule dans ce cas. « Les lycéens qui arrivent chez nous ne connaissent pas la matière, à l’exception peut-être de quelques-uns qui ont suivi l’option Droit et grands enjeux du monde contemporain (DGEMC) au lycée », confirme Cécile Lecomte, vice-présidente chargée de l’orientation à l’université de Rennes-I. Et ils ne connaissent pas davantage les débouchés professionnels, qui se limitent le plus souvent aux métiers mis en avant à la télévision, au cinéma ou dans les faits divers. « Et comme dans ces fictions, l’homme de loi est présenté sous son meilleur jour, forcément, cela donne envie de s’identifier à lui », confirme Youssef Badr, magistrat qui admet y avoir également été sensible.
Compétences recherchées
Thibault, en L2 à l’université d’Aix-Marseille, ne s’imaginait pas avocat ou juge, ni même juriste dans une entreprise lorsqu’il était en terminale. En revanche, ce dont il était certain, c’était de ne pas vouloir aller en classe préparatoire (CPGE) ni « faire des études au rabais ». Il opte pour le droit en attendant d’y voir plus clair. « J’étais incapable de me projeter, mais je savais que ces études ne me fermeraient aucune porte », se souvient le jeune homme. Une stratégie que Julien Boudon, professeur de droit public à Paris-Saclay et doyen honoraire de la faculté de droit de l’université de Reims-Champagne-Ardenne, estime judicieuse. « Les études juridiques développent des compétences susceptibles d’intéresser de nombreux recruteurs : rigueur dans le raisonnement, précision dans le vocabulaire et dans l’analyse de textes. Avec un master de droit, on peut faire plein de choses, et pas seulement dans le domaine juridique. »
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