COMMERCEComment les fromageries de quartier ont refait leur trou en quelques années

Comment les fromageries de quartier ont refait leur trou en quelques années

COMMERCELes petites fromageries ont connu un développement fulgurant en France cette dernière décennie, avec un « important renouvellement » dans la profession
La fromagerie Sacré Fromage a ouvert fin 2022 quartier Toutes-Aides à Nantes
La fromagerie Sacré Fromage a ouvert fin 2022 quartier Toutes-Aides à Nantes - J. Urbach / 20 Minutes / 20 Minutes
Julie Urbach et Floréal Hernandez

Julie Urbach et Floréal Hernandez

L'essentiel

  • En France, les petites fromageries ont pris leur revanche ces dernières années, à tel point que les deux tiers d’entre elles ont moins de dix ans.
  • Contact avec le produit, réponse à un besoin de reconversion, adéquation avec une demande des clients… Autant d’atouts qui ont permis à ces commerces de tirer leur épingle du jeu, même si l’avenir pourrait être un peu moins radieux.

Son préféré, c’est le Beaufort. Mais parmi ses 150 références de fromage, plus alléchantes les unes que les autres, Geoffroy Denaud boit du petit lait. Depuis décembre 2019, le jeune homme au tablier bleu est à la tête de la fromagerie Gilbert, ouverte dans le nouveau quartier Prairie-au-duc à Nantes. Et il n’a « aucun regret » d’avoir déménagé avec sa famille ici pour investir dans la franchise. « Le fromage en France, c’est la culture, la transmission dès le plus jeune âge, sourit le commerçant, qui a depuis embauché un salarié et un apprenti. C’est aussi de la proximité, du contact, avec le produit et avec les gens. »

Comme à Nantes, de nombreuses fromageries ont poussé un peu partout en ville cette dernière décennie. Si la profession a beaucoup souffert dans les années 90, avec l’essor de la grande distribution, les commerces de proximité ont pris leur revanche. « De 1.100 points de vente en 1998, on est passé à 3.200 il y a quelques années, calcule David Bazergue, délégué général de la fédération des fromagers de France. Il y a eu un important renouvellement, avec les deux tiers des entreprises qui ont donc moins de dix ans. Entre-temps, il y a eu la reconnaissance du métier artisanal, en 2015, avec la création d’un diplôme de CAP. On a aussi assisté à un gros mouvement de reconversion professionnelle. »

Diversité et conseils, « comme dans une librairie »

Diplômé d’une école de commerce, Alexandre Renault connaît bien cette tendance. A 34 ans, celui qui s’est formé au Cifca en alternance et lancé à Paris Cheese Of the World (COW), juste avant le confinement, travaille avec Victor, précédemment business developer, ou Florent, ancien mécanicien poids lourd. En novembre, « ces épicuriens et plutôt bons cuisiniers » ont même ouvert une seconde boutique, dans le 17e arrondissement, où l’on en compte au moins cinq autres dans un rayon de 50 mètres. « On propose une gamme internationale, plus globale, comme une fromagerie que l’on pourrait retrouver dans une capitale européenne, détaille Alexandre Renault. Notre concept est atypique, avec nos fromages du monde en plus de ceux du quotidien. »

Diversité de l’offre mais aussi conseils, voilà ce qui permet aux petites fromageries de tirer leur épingle du jeu. A Nantes, place Toutes-aides, Françoise a dépensé une vingtaine d’euros (le panier moyen de la boutique) et repart avec du chèvre et du roquefort. Mais aussi avec un Pont-Lévêque et du Filetta de Corse, que la vendeuse, Tamara, vient de lui faire découvrir. Dans ce quartier, c’est carrément le nouveau caviste qui a eu l’idée d’ouvrir une fromagerie attenante, il y a quelques mois. « Après le Covid, ce sont les gens qui me l’ont réclamée pour compléter l’offre de commerces de proximité, raconte Gildas Bretagne, le fondateur de Sacré fromage. Ils veulent se régaler, en mettant le prix pour de la qualité, et sont très curieux. Ils passent ici comme dans une librairie. »



Des incertitudes mais toujours du potentiel

Mais alors que les habitudes prises pendant le Covid s’éloignent, que les coûts des matières premières flambent et que l’inflation grimpe, l’avenir s’annonce-t-il toujours aussi radieux pour les petites fromageries ? Rien n’est moins sûr selon les commerçants interrogés. « Même si notre activité, qui ne demande pas de four, n’est pas la plus énergivore, la conjoncture est moins favorable en raison du climat d’incertitude », reconnaît David Bazergue de la fédération des fromagers, qui prévoit une baisse du nombre de créations d’affaires.

Pour autant, avec 27 kg de fromage consommé par habitant et par an, il y aurait toujours du potentiel pour ceux qui souhaiteraient se lancer, et notamment « dans les banlieues des grandes agglos, plébiscités après le Covid ». « Ceux bien formés et qui travaillent bien vont tenir, pense de son côté Alexandre Renault. Ceux qui ont ouvert pour de moins bonnes raisons vont souffrir, ou fermer. »

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