Le bras de fer entre médecins et Assurance Maladie se durcit
Les médecins libéraux et la Sécurité sociale ont jusqu'à la fin du mois pour renégocier la convention qui les lie. L'Assurance Maladie a proposé d'augmenter la consultation de base de 1,50 euro. Les syndicats s'insurgent.
Les négociations entre les médecins libéraux et l'Assurance Maladie entrent dans le dur. Cette semaine, l'organisme a proposé d'augmenter la consultation de base de ces professionnels de 25 à 26,50 euros. De quoi hérisser les syndicats.
La proposition est « insultante », a fait savoir le syndicaliste de MG France, Jean-Christophe Nogrette sur Twitter. Celui-ci fustige par ailleurs « des usines à gaz pour accéder aux tarifs supérieurs ». La revalorisation mise sur la table est une « provocation », a aussi réagi le syndicat SML, appelant, comme MG France à une mobilisation de protestation des médecins le 14 février prochain.
Négociations ardues
« 1,5 euro, c'est une hausse de 6 % du tarif de la consultation de base et cela représente autour de 7.000 euros d'augmentation d'honoraires pour un médecin généraliste. C'est loin d'être anodin », défend Thomas Fatôme, le directeur de la Caisse Nationale d'Assurance-maladie.
Cela fait plus de deux mois que les médecins libéraux échangent avec l'organisme pour renégocier, d'ici à la fin du mois de février, la convention qui les lie à la Sécurité sociale. Les négociations, censées s'achever à la fin du mois, sont ardues à l'heure où les hôpitaux sont minés par des pénuries de personnels et où près de 600.000 patients souffrant de maladies chroniques ne sont pas suivis par un médecin traitant.
Se disant souvent débordés et entravés par les « tâches administratives », les médecins libéraux attendent de pied ferme des hausses d'honoraires. Certains, avec le collectif « Médecins pour demain », ont réclamé un doublement du tarif de la consultation de base à 50 euros, tandis que toutes les organisations syndicales ont conduit des mouvements de protestations ces dernières semaines (grèves, manifestations, etc.). Mi-janvier, les syndicats disaient aussi avoir décidé de suspendre leur participation aux négociations.
Contrat d'engagement
De leur côté, les pouvoirs publics ont laissé entendre que les médecins verraient bien leurs revenus augmenter et se sont refusés à remettre en cause la libre installation des libéraux, totem de la profession. Le gouvernement mise cependant sur les futures conditions de rémunération des libéraux pour les inciter à prendre en charge davantage de patients, à traiter des urgences, à aller faire des consultations dans les déserts médicaux où à former de jeunes professionnels.
Lire aussi :
SONDAGE - Une majorité de Français disent avoir du mal à se faire soigner
Médecine de ville : Emmanuel Macron promet des moyens « au bon endroit »
L'Assurance Maladie a donc proposé aux médecins de signer un « contrat d'engagement territorial » ouvrant droit à des « avantages significatifs ». Autrement dit, les praticiens qui acceptent par exemple de prendre en charge beaucoup de patients, ouvrent leurs cabinets les samedis et font des gardes pour prendre en charge des urgences, pourraient accéder « à des niveaux supérieurs de tarifs des consultations ».
Les tarifs proposés en question n'ont cependant pas encore été dévoilés. « Nous souhaitons que l'engagement territorial soit fortement valorisé, en tous les cas à des niveaux bien supérieurs à ce qu'on a mis sur la table pour la rémunération socle », insiste Thomas Fatôme, à la CNAM qui assure aussi que les contrats d'engagements seront « accessibles à tous les médecins ».
Les médecins perçoivent par ailleurs des rémunérations forfaitaires et pourront toujours bénéficier d'aides spécifiques. Par exemple pour embaucher un assistant médical.
Vers une nouvelle augmentation des dépenses de santé pour 2023
Les dépenses de santé pour 2023 vont encore augmenter. Le gouvernement a en effet déposé un amendement au projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale, reformant les retraites, prévoyant une augmentation de ces dépenses de 750 millions d'euros. Cette nouvelle rallonge budgétaire est censée tirer les conséquences des annonces faites par Emmanuel Macron en janvier lors de ses voeux aux acteurs de la santé. Elle devrait bénéficier à hauteur de 150 millions d'euros à la médecine de ville pour « accompagner les négociations conventionnelles avec les professionnels de santé libéraux », explique le gouvernement dans son amendement. Le reste - 600 millions d'euros - bénéficiera aux hôpitaux et permettra de financer la prolongation de l'augmentation de la rémunération du travail de nuit, décidée en urgence l'été dernier, sur fond de pénuries de personnel soignant, notamment dans les services d'urgence. Ces revalorisations devaient prendre fin au mois de mars mais seront prolongées le temps que des travaux plus aboutis sur la «permanence des soins» soient menés à leur terme.
Solenn Poullennec