Une vingtaine de policiers s’éparpillent dans l’amphithéâtre. Au tableau, un intitulé étrange : « Disparition inquiétante : quelle urgence pour quelles diligences ? » L’ambiance quasi scolaire tranche avec le quotidien de la brigade criminelle de Versailles.
« En police, nous n’avons pas la culture du débriefing, on cherche plus qui sanctionner quand ça ne marche pas bien. Là, vous pouvez parler librement », prévient le commissaire Bastien Barnabé, le patron du service, en ouverture de ce « retour d’expérience » – « retex », dans le jargon maison. Soucieux de faire progresser ses troupes et de leur éviter d’éprouver un sentiment d’échec traumatisant, il veut étudier au plus près ce qui a fonctionné, ou pas, au cours de l’affaire en question.
Le capitaine L., chef adjoint du groupe 2, prend la parole. Tout a commencé pour lui par un appel téléphonique, une nuit de janvier, il y a quatre mois. Une double disparition, un garçon de 10 ans et sa maman. Il doit filer en Seine-et-Marne. La famille habite depuis peu un lotissement de quelques dizaines de pavillons confortables, aux jardins soignés. Le père est commerçant ; c’est un bosseur, souvent absent. Elle a 33 ans et une vie monotone consacrée à leur fils. Un peu plus tôt dans la journée, ses parents devaient déjeuner avec elle et l’enfant. Mais, une fois sur place, ils ont trouvé porte close. De retour chez lui, le mari s’est inquiété. Les chaussures de son épouse n’étaient pas là, pas plus que sa veste et son sac à dos. Comme elle n’a pas de portable, il n’a pas pu la joindre. A 20 heures, il s’est rendu au commissariat, la procédure a été déclenchée et la « Crim’ Versailles » a été mobilisée.
La foule des grands jours
Le temps d’arriver, il est 1 heure du matin. Le temps d’effectuer les constatations, il est 2 h 30. « Il n’y a pas de corps, c’est une maison toute neuve, avec très peu de meubles et de déco », reprend le capitaine L. Dans la chambre de l’enfant, il remarque des petites traces de sang et l’absence du drap-housse du lit et des rideaux. « Je me dis qu’on a peu de chances de retrouver le gamin vivant. » Très vite, les autorités accourent. Il y a foule : le parquet, la police locale… Tout le monde s’interroge, tout en piétinant la scène, au risque de ralentir l’enquête. Faut-il déclencher une Alerte enlèvement ? A cette heure-là, ça ne sert à rien.
La jeune maman n’ayant pas de voiture, elle n’a pas dû aller bien loin. Les enquêteurs fouillent le quartier. Un maître-chien, Eric Gully, conseiller départemental à l’unité cynotechnique des pompiers de Seine-et-Marne, les aide. Sa spécialité : la recherche des disparus. A chaque fois qu’il pénètre dans une pièce, il se demande où l’on peut cacher un corps. L’homme est du genre perfectionniste : il a cartographié numériquement tout le département, car il en avait assez du travail à l’ancienne, au Stabilo et aux cartes IGN. Son art de la traque s’appuie sur une certitude : « Trois fois sur cinq, on retrouve les gens au point zéro. Mais personne ne fouille jamais le point zéro », dit-il lors du « retex » devant les policiers.
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