Alix Gicquel peine devant son coffre-fort. « Je crois que je me suis trompée de combinaison », s’agace cette ancienne chercheuse de 68 ans, spécialiste de la physique des plasmas, fondatrice de Diam Concept. Installée au sein d’Accelair, l’accélérateur d’entreprises du gazier Air Liquide situé sur un site ultra-sécurisé aux Loges-en-Josas (Yvelines), sa société fabrique des diamants en laboratoire depuis 2016. « Ah, voilà. J’ai trouvé », se réjouit cette femme fluette et énergique en tirant trois écrins noirs.
Le bureau est sans âme, mal chauffé et assombri par un lino gris. Le scintillement des pierres, que Mme Gicquel présente entre ses deux phalanges pour les flatter, lui accordera de la poésie. « Regardez, celui-ci est un diamant de couleur champagne. Il est obtenu en ajoutant un peu d’azote », explique-t-elle, avant d’esquisser un croquis « pour faire comprendre ».
Diam Concept reproduit en laboratoire le processus de création d’un diamant naturel. La pierre précieuse est issue de carbone transformé, par pression et température, dans le manteau terrestre à plus de 200 kilomètres sous terre, en une structure cristalline spécifique. Par un long processus, les flux de lave en fusion transportent la pierre à la surface de la terre. L’homme l’extrait de mines, ou la découvre dans les rivières.
Aucune différence à l’œil nu
La société propose une formule moins onéreuse, plus respectueuse de l’environnement et des hommes, mais fort complexe. Des pastilles de carbone, carrées comme des bonbons Zan à la réglisse, sont placées sur une galette en molybdène, un métal réfractaire, au centre d’un réacteur plasma pour être soumises à une basse pression et une température de 4 000 degrés. L’injection d’hydrogène et de méthane transforme ces souches, y crée des électrons et les « fait pousser », explique l’entrepreneuse, en nous imposant une paire de lunettes noires pour observer ces sortes de champignons apparus à la surface des pastilles.
A l’aide d’un laser, la matière sera débarrassée de ses polycristallins, pour ne conserver que le monocristal. Ce diamant brut sera alors mesuré, passé au microscope numérique et caractérisé par laser, avant d’être envoyé pour polissage chez des sous-traitants, notamment en Inde. Cette technique – comptez entre trois semaines et deux mois pour obtenir une gemme – permet de créer des diamants aux propriétés physico-chimiques identiques à celles du diamant de mine. A l’œil nu, aucune différence n’est décelable.
« C’est une technologie de pointe », résume Mme Gicquel. Elle a été mise au point dans les années 1950. Le sud-africain De Beers, l’un des premiers producteurs au monde de diamants, en fabrique depuis les années 1960. Ce fut d’abord pour l’industrie, notamment celle de la découpe et du forage. Mais cette technique est désormais au point pour produire des diamants de haute qualité adaptés à la joaillerie. Et elle connaît un regain d’intérêt.
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