Petit microcosme peuplé d’étudiants, chercheurs et artistes de toutes nationalités, la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP) est un excellent observatoire des soubresauts de l’actualité. Campée en lisière du parc Montsouris, à Paris (14e arrondissement), elle s’anime au gré des bouleversements géopolitiques : elle a accueilli des chercheurs fuyant l’antisémitisme pendant les années 1930, elle était au cœur des contestations étudiantes en mai 1968 ou a encore hébergé des Chiliens en 1973 au moment du coup d’Etat.
En 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a réveillé l’esprit humaniste de cette Babel étudiante, imaginée en 1925 par des acteurs du mouvement pacifiste de l’entre-deux-guerres. « Le 24 février [2022] fut un véritable choc au sein du campus. Des bénévoles ont immédiatement animé un centre de collecte et d’accueil d’urgence », retrace Bertrand Cosson. L’enseignant-chercheur est à la tête de la toute nouvelle Maison de l’Ukraine, créée en avril, près de deux mois après l’agression russe. Ce bâtiment virtuel, conçu par le célèbre architecte Jean-Michel Wilmotte et mis en vente sous forme de NFT (non-fungible tokens en anglais, des jetons non fongibles, un actif numérique), a été le point de départ d’un appel aux dons qui a permis de recueillir 550 000 euros.
Arrivé à la CIUP en septembre 2020, Yevgeniy Vasilchenko, 28 ans, doctorant en droit, a reçu sa petite sœur Daria, 16 ans, quelques semaines après l’invasion de l’Ukraine : « Elle habite dans mon appartement, mais je ne dois pas payer plus. Pendant les vacances scolaires, Daria a suivi des cours intensifs de français, elle intégrera l’université l’année prochaine. » Sophia Sirko, 23 ans, en France depuis 2017, a rejoint la Cité universitaire en août 2022 : « Je doute que j’aurais tenu seule dans un studio à Paris, entourée de gens pour qui la vie continue comme avant. Ici, mes voisins comprennent émotionnellement ce que je vis. Le fait d’être en communauté change notre expérience de la guerre. »
Au total, la CIUP a accueilli 180 étudiants et chercheurs venus d’Ukraine depuis le début du conflit. Jamais la prise en charge de personnes déplacées ne s’était faite de façon si massive et formalisée, aussi bien à la CIUP que dans tout l’enseignement supérieur français, remarque le délégué général de l’institution, Guillaume Tronchet : « La question de l’accès des réfugiés prend de plus en plus de place dans les universités. La guerre en Syrie a déclenché une dynamique d’asile qui nous rend plus réactifs aujourd’hui, d’autant plus avec un conflit qui a une dimension européenne. »
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