La guerre en Ukraine et les millions d’exilés qu’elle a poussés hors des frontières ont placé l’éducation nationale française dans une situation telle qu’elle en a rarement connu. Trois semaines après le début de l’offensive russe du 24 février 2022, on comptait moins de 800 élèves ukrainiens scolarisés en France. Trois mois plus tard, en juin, ils étaient 19 000. Un an après le début de la guerre, ils sont environ 21 000, principalement en Ile-de-France, dans la région de Nice, de Grenoble ou encore de Montpellier. Plus de la moitié d’entre eux sont à l’école, 34 % au collège et 13 % au lycée.
« C’est une vague exceptionnelle », constate Corinne Leenhardt, responsable du centre académique pour la scolarisation des élèves allophones (Casnav) de l’académie de Versaille, où le nombre d’élèves a dépassé en 2023 la barre des 10 000, dont 1 769 Ukrainiens. Le nombre d’élèves accueillis continue d’augmenter légèrement tous les mois, même si le ministère de l’éducation nationale souligne que le rythme des arrivées s’est stabilisé depuis la rentrée. Depuis un an, la règle a été de scolariser les élèves rapidement, près de leur domicile, et si possible en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A). Les Ukrainiens ne représentent qu’une partie des plus de 70 000 élèves allophones – dont la langue maternelle n’est pas le français – scolarisés en France, mais leur arrivée massive a fait exploser les effectifs de ces unités.
Le ministère reconnaît que « certaines situations un peu difficiles ont pu apparaître ponctuellement du fait d’arrivées massives exceptionnellement rapides », mais assure que des « moyens ont été accordés pour faire face aux besoins ». A Nice, les arrivées ont plus que doublé depuis mars 2022, elles sont passées de 642 à 1 512, ce qui a par exemple poussé l’académie à ouvrir 32 postes d’UPE2A répartis sur le premier et le second degré.
Personnel « dépassé »
A Strasbourg, « nous avons eu le double d’élèves mais à moyens constants, ce n’est pas gérable », dénonce cependant Stéphanie Sempere, déléguée syndicale SE-UNSA. Sur l’Eurométropole, 76 dossiers étaient encore en attente pour intégrer des UPE2A début février. Le rectorat, lui, fait savoir que 820 élèves ukrainiens ont été scolarisés, ce qui représente 20 % des élèves allophones de l’académie, et que 10 UPE2A ont été ouverts.
« Cela n’est pas suffisant », estime la responsable syndicale. Pour faire face au nombre, des professeurs volontaires ont accepté d’apprendre le français (contre rémunération) aux élèves qui n’avaient pas pu intégrer le dispositif, soit par manque de place, soit parce qu’aucune UPE2A n’était implantée dans les communes où se sont installées les familles. Si Mme Sempere se félicite de cet « élan de solidarité », elle craint un creusement « des inégalités envers d’autres nationalités au parcours migratoire tout aussi compliqué » et qui peinent aussi parfois à trouver des places.
Il vous reste 43.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.