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Décryptage

Mixité sociale à l'école : le plan du gouvernement attendu « aux alentours du 20 mars »

Le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, prépare un ensemble « extrêmement large » de mesures pour favoriser la mixité dans les établissements scolaires. Il a annoncé, mercredi soir au Sénat, l'ouverture de seize nouvelles filières d'excellence, en septembre prochain, dans des établissements défavorisés.

Pap Ndiaye veut implanter davantage de filières d'excellence dans les établissements défavorisés, à la rentrée prochaine.
Pap Ndiaye veut implanter davantage de filières d'excellence dans les établissements défavorisés, à la rentrée prochaine. (UGO AMEZ/SIPA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 22 févr. 2023 à 11:47Mis à jour le 2 mars 2023 à 12:00

Le gouvernement est décidé à avancer sur la question de la mixité sociale à l'école. « Nous allons proposer un certain nombre de leviers sur lesquels les rectorats pourront agir pour favoriser la mixité scolaire, en partenariat avec les collectivités qui jouent un rôle essentiel », avait déclaré Pap Ndiaye, fin février, sur France Culture, en évoquant le plan qu'il doit dévoiler d'ici la fin mars.

« Les inégalités de naissance ne sont pas suffisamment corrigées ou atténuées par l'école , avait encore insisté le ministre de l'Education nationale sur France 2. Nous avons besoin de dizaines de milliers d'ingénieurs, de techniciens qui viendront aussi de quartiers défavorisés. »

Filières d'excellence

Pap Ndiaye entend « valoriser les établissements défavorisés, en y implantant des filières d'excellence ». A la rentrée 2023, « nous ouvrirons 16 sections internationales supplémentaires », a annoncé le ministre, le 1er mars, au Sénat. Toutes seront créées dans des collèges et des lycées défavorisés », l'objectif étant de « conserver une population scolaire qui sinon s'en irait ».

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Il veut aussi « jouer sur la carte scolaire », et s'inspirer des expérimentations parisienne et toulousaine. A Paris, le rectorat a expérimenté une fusion de secteurs pour deux collèges du 18e arrondissement. A Toulouse, le conseil départemental a décidé de fermer progressivement deux collèges du Mirail, perçus comme des ghettos, et de réaffecter les élèves dans onze établissements plus favorisés. « On a pu identifier en France 200 binômes qui pourraient faire l'objet d'un tel rapprochement », avait précisé le ministre sur France Culture. Au Sénat, le 1er mars, il a aussi indiqué vouloir « aboutir à une refonte » de la carte de l'éducation prioritaire en septembre 2024.

« Impliquer l'enseignement privé »

Le ministère entend aussi « impliquer » l'enseignement privé sous contrat pour qu'il accueille plus d'élèves de milieux défavorisés. Un protocole sur la mixité sociale doit être signé « aux alentours du 20 mars » avec les représentants de l'enseignement catholique. Le taux de boursiers dans les écoles privées sous contrat « est actuellement inférieur à 10 %, trop faible au regard de la composition sociale de nos effectifs scolaires », soutient Pap Ndiaye.

La publication de l'indice de position sociale des établissements scolaires a contribué à pointer du doigt l'enseignement privé, qui concentre les élèves les plus favorisés à Paris et dans les grandes villes. Au ministère, on voit ces données comme un accélérateur de mixité.

Selon le secrétaire général de l'enseignement catholique, Philippe Delorme, « il n'y a aucune volonté [de la part de Pap Ndiaye] de rallumer la guerre scolaire. » « Et personne n'y a intérêt », avait-il indiqué à « L'Opinion », le mois dernier. Mais il dénonce le « procès odieux » fait à l'enseignement privé, « sur un petit air de lutte des classes ». « Nous ne sélectionnons pas les familles sur leur origine sociale ou leur niveau de revenus », insistait-il.

Des « bonus » en cas d'« efforts significatifs »

S'il ne veut « pas de quotas, de carte scolaire ou d'affectation obligatoire des élèves », cela « n'empêche pas d'avancer vers une répartition de nos moyens qui tiendrait davantage compte des publics que nous accueillons, de bonus des forfaits des collectivités locales si la mixité est plus grande », avance Philippe Delorme.

Comme en écho à Pap Ndiaye qui évoque, lui aussi, « les mairies ou les départements accordant des bonus financiers à des établissements qui feront des efforts significatifs ». L'allocation de postes « peut aussi être un facteur de pression sur les établissements » privés, a ajouté Pap Ndiaye au Sénat.

Le gouvernement pourrait aussi s'inspirer de la réforme menée à Paris pour l'affectation des élèves dans les lycées publics. Le rectorat vient d'en présenter le bilan, en se félicitant - entre autres - d'avoir permis à Henri-IV et Louis-le-Grand de doubler le nombre de leurs boursiers. « Certes, ces lycées ont pris des jeunes dont les indices de position sociale étaient faibles, mais qui avaient d'excellents résultats scolaires, commente Philippe Delorme. Cela, nous pouvons le faire aussi. »

Chercheur à l'Ecole d'économie de Paris, Julien Grenet - qui a dirigé le comité de suivi de la réforme - préconise d'intégrer l'enseignement privé dans la procédure Affelnet. Il plaide aussi pour étendre la réforme à d'autres grandes villes, comme Lille ou Nice, où « les niveaux de ségrégation sont proches de ceux de Paris », et où prévaut encore la règle de l'affectation dans le lycée de quartier. A Paris, le recteur Christophe Kerrero promet de réajuster la réforme « chaque année » pour poursuivre les efforts de mixité dans les établissements où elle est encore jugée insuffisante.

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Des objectifs cibles

Faut-il s'attendre à des objectifs chiffrés dans les mesures à venir ? Oui, répond Pap Ndiaye, en évoquant « des objectifs cibles d'augmentation de la part des élèves boursiers dans les établissements qui en reçoivent peu », « une entrée plus simple et avec un meilleur niveau de succès dans l'enseignement supérieur » pour les élèves défavorisés. Et aussi « des objectifs cibles en matière d'égalité garçons-filles », comme il l'avait annoncé aux « Echos » en novembre. Les recteurs vont se voir fixer des objectifs « avec une progressivité annuelle », et disposeront d'« une palette de leviers » pour les atteindre, a précisé Pap Ndiaye au Sénat.

« Nous avons besoin de mixité », insistait la Première ministre, Elisabeth Borne, le 10 février, lors de la traditionnelle remise du prix Irène-Joliot-Curie. « Nous visons la parité d'ici à 2027 dans les spécialités mathématiques, physique-chimie ou mathématiques expertes », a-t-elle rappelé. « Pour accroître le nombre d'élèves qui se dirigent vers les voies technologiques », Pap Ndiaye a promis, devant les sénateurs, d'augmenter l'offre de spécialités « Numérique et sciences informatiques » et « Sciences de l'ingénieur » dans les lycées.

Marie-Christine Corbier

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