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Décryptage

Que valent les nouvelles formations spécialisées dans l'influence ?

Depuis une dizaine d'années, de nombreux métiers se sont créés pour répondre aux besoins du monde de l'influence, en agence ou chez l'annonceur. Comment les écoles de communication ont-elles pris ce virage ? Quelles nouvelles formations ? Focus sur un secteur en pleine structuration.

Une étudiante de l'école Ffolloz filme la masterclass donnée aux élèves par l'influenceuse Léna Situations réalisée en juillet 2022 en partenariat avec l'Iscpa.
Une étudiante de l'école Ffolloz filme la masterclass donnée aux élèves par l'influenceuse Léna Situations réalisée en juillet 2022 en partenariat avec l'Iscpa. (Ffolloz)

Par Lucile Meunier

Publié le 24 févr. 2023 à 12:46Mis à jour le 24 févr. 2023 à 12:48

92 % des marques intègrent désormais les influenceurs dans leur stratégie de communication, selon le dernier baromètre 2023 de l'agence Reech . Pourtant, il a fallu attendre 2022 pour que la première école spécialisée en marketing d'influence ouvre ses portes en France. Du nom de Ffolloz, elle a inauguré en septembre 2022 une troisième année de Bachelor « marketing d'influence », en partenariat avec l'Iscpa, une école de communication du même groupe (IGS). À la rentrée prochaine, Ffolloz va ouvrir un « cycle mastère professionnel marketing d'influence », puis les deux premières années du bachelor post-bac en 2024.

« Nous avons créé cette école car les annonceurs se tournent de plus en plus vers le marketing d'influence et c'est un secteur très dynamique avec beaucoup de débouchés », constate Frédéric Abecassis, le directeur de Ffolloz. L'établissement forme ses élèves à la gestion de projets, aux stratégies de communication et de marketing pour les marques, à la production de contenus, ou au community management. « Ils acquièrent une palette de compétences pour travailler en agence, chez l'annonceur ou auprès d'un influenceur qui a une équipe autour de lui comme Squeezie ou Léna Situations », explique le directeur.

Les premières formations solides sur le marketing d'influence ont été créées il y a seulement deux ou trois ans, selon Valentin Richardot, rédacteur en chef du média spécialisé « J'ai un pote dans la com ». « En 2017, il y avait déjà des modules de marketing d'influence mais ils n'étaient pas encore très élaborés. On a vu d'abord apparaître des formations de social media, puis les premiers MBA en marketing d'influence », analyse-t-il.

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Antoine Martin, responsable RH pour l'agence Reech, observe la même tendance. « L'année dernière, on a reçu environ une dizaine de candidatures spontanées d'étudiants et ils nous contactent pour la rédaction de mémoires sur l'influence. Les écoles commencent aussi à intégrer l'influence avec une approche systémique et non pas de manière superficielle avec un module de deux heures », se réjouit-il.

Des formations plus précises

Illustration avec l'Iscom : l'école, composée de 10 campus en France, a lancé en septembre dernier une nouvelle organisation de ses cursus. « Nous formons toujours des communicants généralistes mais les étudiants nous demandent des compétences plus spécifiques, comme la communication internationale, les politiques RSE , et bien sûr le marketing d'influence », précise Olivier Creusy, directeur innovation et développement pour l'Iscom.

En cinquième année, les étudiants peuvent sélectionner un MBA parmi 5 spécialisations, dont « Influence et réputation ». Auparavant, le nom des cursus était moins adapté aux réalités du marché et les spécialisations étaient plus larges. Surtout, l'expérience professionnelle est encouragée : avec un stage de six mois en quatrième année et une cinquième année en alternance. Entre 80 et 85 % des diplômés trouvent un emploi dans les six mois et 98 % au bout d'un an, assure l'école.

Pas de cursus idéal

Mais que pensent les recruteurs de ces nouveaux cursus ? « Je crois qu'il n'y a pas de parcours parfait aujourd'hui, commente Emma Lietta, fondatrice de l'agence de management de talents Ora. Ce qui compte ce n'est pas d'avoir fait tel ou tel master, mais de présenter des compétences humaines, techniques et surtout une bonne culture web. ». De son côté, Mégane Perret, responsable influence au sein de l'agence Hungry and Foolish, assure que l'important est « d'avoir une vision large de la stratégie de marque car l'influence n'est qu'un levier parmi d'autres ».

L'Efap, une des plus anciennes écoles de communication, propose par exemple plusieurs MBA avec des cours de marketing d'influence au sein de spécialités plus larges (relations presse, brand content et nouveaux médias, luxe, etc.) et un bon réseau professionnel, notamment à l'international. L'école revendique un taux d'insertion de ses élèves de 89 % à six mois et de 92 % à douze mois.

Reste que l'adaptation à des pratiques qui évoluent rapidement n'est pas simple pour les écoles. L'influence étant un nouveau domaine, les compétences évoluent très rapidement. Le boom de TikTok a eu un impact important sur les attentes des recruteurs, par exemple. Tout cela complique la création de modules fixes et le recrutement des intervenants.

Emma Lietta de l'agence d'influence Ora donne des cours à l'école Sup de Pub sur la gestion de projet digital. Elle confie avoir adapté son programme car les étudiants ont beaucoup de questions sur l'influence. « Ils ont d'autres cours sur le sujet mais restent sur leur faim. La qualité de l'enseignement repose sur les profs, mais les professionnels que je connais n'ont pas le temps de donner des cours à côté », témoigne-t-elle.

La force de l'alternance

Dans ce contexte, il est fortement conseillé de faire une alternance. « Il y a tellement de métiers dont personne ne parle et que personne ne connaît… On apprend beaucoup plus en entreprise qu'en alternance », souligne Mégane Perret, responsable influence chez Hungry and Foolish.

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Sur ce point, Tristan, étudiant en cinquième année à l'école Digital College, ne peut qu'être d'accord. Il a choisi cette école pour son cursus « Communication digitale et e-influence » mais il a été fortement déçu par les cours. « Un seul module est destiné à l'influence, ce n'est pas suffisant. Aucun sujet n'est réellement approfondi, on survole simplement des missions à travers des exercices simples (comme des briefs). Nous n'avons aucun contenu pédagogique sur l'amont (négociation clients, comprendre les enjeux du clients, etc.) et sur l'aval des campagnes (bilan, analyse de campagne, etc..) », explique-t-il.

Tristan est en alternance chez Beastly, une agence pour laquelle il est chef de projet influence. « C'est super formateur d'être en entreprise. Je réalise différentes missions : élaboration de stratégies de communication, sourcing de profils, négociation budgétaire, analyse/bilan, rédaction etc. », ajoute-t-il.

Ludivine (le prénom a été changé), étudiante dans la même école en alternance dans la grande distribution, rejoint le discours de Tristan. « On nous demande d'intégrer de la communication d'influence dans nos autres cours (social media, relations presse, SEO…) mais ce n'est pas assez poussé pour un cursus spécialisé. En plus, notre module sur l'influence est beaucoup axé sur la téléréalité, ce qui est obsolète et ne correspond pas aux attentes du secteur ».

L'école se défend en indiquant qu'il s'agit d'un cursus qui n'est pas uniquement centré sur l'influence. Une variété de cours sont proposés pour « permettre aux étudiants d'être polyvalents ». Concernant les deux cours sur « l'influence » et « les relations presse », qui ont commencé en janvier 2023, la direction de l'école affirme avoir reçu « d'excellents retours » des étudiants et explique « qu'il est trop tôt pour faire un bilan de la formation ». Par ailleurs, une semaine intensive dédiée à l'influence est prévu au printemps pour permettre aux étudiants de rencontrer des professionnels du secteur.

Des lacunes sur le métier d'agent

Aujourd'hui, les étudiants comme Tristan suivent surtout des cursus en marketing digital, qui composent la majorité des offres pédagogiques, mais il n'existe pas de formation pour devenir agent d'influenceurs. Or « on n'achète pas un influenceur comme on se paye une campagne dans le métro », met en garde Valentin Richardot du média 'J'ai un pote dans la com'. Et de rappeler l'importance des compétences humaines en jeu ici.

Problème : « On apprend ce métier nulle part donc n'importe qui peut être agent. Pour ma part, je me suis formée en créant mon entreprise. C'est aussi un métier un métier qui a séduit beaucoup de mauvaises personnes attirées surtout par l'argent », explique Emma Lietta.

Les étudiants disent également manquer de cours de droit. « Lors de mon stage en brand influence chez Konbini, j'ai dû apprendre à budgéter un projet, construire et faire relire un contrat auprès d'agents d'influenceurs, et je n'avais pas toutes les clefs », explique Rose, étudiante en 4ème année à l'Efap. « Avec la structuration de l'influence, je pense qu'un des gros enjeux de 2023 sera juridique. On aura de plus en plus de règles qu'il faudra apprendre dans les écoles », complète Mégane Perret de l'agence Hungry and Foolish.

Une structuration à venir

Tout cela plaide pour la création de nouvelles écoles et formations, dans la continuité de la création de l'Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu (l'Umicc) en janvier 2023, avancent nos interlocuteurs. Cette nouvelle fédération professionnelle regroupe pour l'instant 7 agences fondatrices et a vocation à promouvoir une influence responsable auprès des influenceurs et des professionnels du secteur.

Pour l'instant, l'Umicc n'a pas lancé d'actions sur la formation mais ne ferme aucune porte. « Je pense que ça aurait beaucoup de sens de se rapprocher des écoles. À l'UMICC, on prône prône le fait que les influenceurs doivent être conscients de leur responsabilité . Les étudiants qui se destinent à ce secteur doivent aussi être sensibilisés aux bonnes pratiques », souligne Carine Fernandez, CEO de l'agence Point d'Orgue et présidente de l'UMICC. A la vitesse où grandit ce business, la demande de compétences techniques et éthiques est pressante. Selon Statista , le marché du marketing d'influence a atteint 16,4 milliards de dollars pour 2022, soit un chiffre multiplié par dix depuis 2016.

Les formations en vue

· Le programme « Grande école » de l'Iscom

· Le Bac + 4 et 5 en « Communication et activation des marques » de Sup de Pub

· Le Bac +4 et 5 « Communication Digitale & Marketing d'Influence » de Rennes ESG

· Le MBA spécialisé « Communication & Relations Médias » de l'Efap

· Le Master pro « Communication, option Marque et stratégies de communication » du Celsa

· Le Bachelor « marketing d'influence » de la nouvelle école Ffolloz

Lucile Meunier

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