La première fois que je comprends que je vais franchir plusieurs marches dans la pyramide académique, je suis dans le salon d’esthétique de ma mère. Les résultats des épreuves écrites du concours d’accès aux grandes écoles de management viennent de tomber. Je suis alors encore persuadée que je ne peux pas réussir. Mais à mon grand étonnement, moi, l’ancienne lycéenne de bac professionnel, je suis admissible à Grenoble Ecole de management (GEM). Je fonds en larmes. La pression de ces années de classe préparatoire retombe d’un coup. J’ai l’impression d’avoir vécu en apnée depuis trois ans. Je respire enfin.
Le mur entre la réalité et ce dont je me jugeais incapable s’est construit dès le collège. Ma famille et moi vivions dans une petite commune du Gard, Le Vigan. Pendant les premières années de collège, je suis plutôt scolaire, la vie coule tranquille avec mes deux grands frères, mon père ouvrier et ma mère esthéticienne. Puis, ils se séparent. La rupture est brutale. Je sens autour de moi beaucoup de colère. Le collège cesse d’être une priorité. Même si mes notes sont toujours au-dessus de la moyenne, je cumule les absences. Mes parents culpabilisent, ils laissent faire.
Le choc arrive en fin de troisième. Nous en sommes en 2012. Je pense alors passer tranquillement en seconde générale. Mon amie Margot est déléguée de classe. Elle me souffle que je ne passe pas dans la classe supérieure. Je suis choquée. Ma professeure de français me lance : « Tu t’attendais à quoi ? Il fallait te réveiller plus tôt ! Va voir la directrice. »
Dans le couloir, devant la porte de la responsable de l’établissement, je l’entends hurler au téléphone contre un parent d’élève qui n’accepte pas la décision du conseil de classe. Elle raccroche, me fait rentrer dans son bureau et m’affirme que je ne peux pas faire appel de la décision. Elle se saisit d’un cahier de l’Onisep qui référence les lycées, ouvre une page au hasard et annonce : « Un bac pro fleuriste, cela te dit ? »
« Je ne me crois pas à la hauteur de mes amis »
Je tourne les pages du fascicule. Le seul bac pro à proximité de mon village est un bac commerce. La directrice acquiesce et signe un papier. La réputation de la filière est celle d’une voie de garage, sans débouché ni perspective. C’est le cliché qui s’impose alors dans la tête de tous les lycéens des alentours. J’ai 15 ans et le sentiment de ne déjà plus avoir d’avenir.
« J’ai deux professeures principales incroyables, qui instaurent avec leurs élèves un climat de confiance »
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