Une tribune signée de nombreux artistes de renom publiée dans Le Monde, des discussions fébriles entre marchands et galeristes sur les réseaux sociaux, Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, se faisant un devoir de rencontrer en urgence, sinon de rassurer tout ce beau monde, Bercy assurant que « rien ne doit mettre en danger le marché de l’art en France ni en décourager les acteurs » : rarement article de presse aura suscité un tel émoi.
Titré « Comment la France s’apprête à saborder son marché de l’art », il est dû à notre consœur Martine Robert, des Echos. Elle y écrit que notre pays, remonté en vingt ans de 3 % à 7 % du marché mondial de l’art et pesant désormais à lui seul la moitié du marché européen, va « se tirer une balle dans le pied » en adoptant – ce doit être fait avant le 1er janvier 2025 – une directive du Conseil de l’Union européenne (UE) datée d’avril 2022 qui porte la TVA, actuellement de 5,5 % (une exception française) à 20 % sur la vente des œuvres d’art, mais aussi sur leur importation de pays hors UE.
Le taux actuel de 5,5 % fait de la France, moins-disante en ce domaine, la porte d’entrée favorite pour l’importation d’œuvres en Europe. C’est, tout autant – sinon plus – que la multiplication des fondations ou l’accroissement remarquable des amateurs d’art et des collectionneurs, l’une des raisons pour lesquelles depuis quelques années, précisément depuis le Brexit, tous les grands marchands étrangers ont ouvert une succursale à Paris.
Peinture ancienne et jusqu’à l’art moderne
Le galeriste parisien Kamel Mennour s’interroge : « Je vais désormais hésiter à prendre de nouveaux artistes, si la hausse est telle que je ne puis les vendre. » Actuellement, comme ses confrères, il ne contribue à la TVA que sur la marge qu’il fait à la revente, non sur la totalité du prix de l’œuvre. Le même, qui représente en France plusieurs grands noms internationaux – de ceux qui ont une galerie dans chaque pays –, aura du mal à expliquer à ses clients européens pourquoi ils peuvent acheter tel ou tel artiste à New York ou à Londres environ 20 % moins cher que chez lui.
Un autre problème se pose pour la peinture ancienne et jusqu’à l’art moderne. De nombreux chefs-d’œuvre, dont certains français, sont actuellement propriété de collections privées étrangères. Un marchand ou une maison de vente, tenté jusqu’à maintenant de les proposer sur le marché parisien où les noms de Nicolas de Staël ou de Soulages remuent plus les cœurs hexagonaux que ceux des New-Yorkais, hésitera donc à le faire, sauf si l’acheteur final réside en dehors de l’UE. Dans un tout autre domaine de l’économie, si la balance entre exportations et importations est favorable aux premières, le pays s’enrichit. En art, c’est l’inverse : le patrimoine s’appauvrit.
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