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Décryptage

Entre Edhec et emlyon, la compétition fait rage pour la 4e place des meilleures écoles de commerce

DECRYPTAGE// Emlyon, Edhec, laquelle choisir ? Des années que les étudiants en classe préparatoire fondent leur choix sur un classement immuable plaçant l'école lyonnaise devant sa rivale lilloise. Mais ça, c'était avant. Avant que les cartes ne soient rebattues dans un sens, puis dans l'autre. On vous explique tout sur ce duel (presque) au sommet entre deux des très grandes écoles de commerce.

Duel décrypté entre l'emlyon et l'Edhec.
Duel décrypté entre l'emlyon et l'Edhec. (emlyon - Edhec)

Par Florent Vairet

Publié le 24 févr. 2023 à 08:00Mis à jour le 25 févr. 2023 à 12:52

LinkedIn, il y a deux mois. « Quelle semaine pour l'Edhec ! Après la 7e place dans le classement des écoles de commerce européennes par le Financial Times (et 3e école française), c'est ce matin la 3e place dans le classement de Challenges pour son programme Grande Ecole. » Ce post du doyen honoraire de l'Edhec récolte 1.045 likes, 35 republications. Etudiants, alumni, professeurs, toute la communauté soutient l'Edhec dans cette course au classement.

Et c'est bien normal. Dans la guerre pour attirer les meilleurs étudiants, les écoles ont peu d'éléments pour se différencier, mis à part le rang dans les classements de référence. Depuis la nuit des temps (ou presque), le podium des meilleures écoles de commerce est trusté par trois parisiennes, bien connues du grand public : HEC, Essec et ESCP.

Jacobinisme oblige, le reste du classement est un terrain de bataille entre écoles de province, moins cotées, moins connues. Si elles ont secrètement renoncé à challenger la suprématie parisienne, elles se livrent entre elles un combat de chaque classement.

Mais attention, pas question de les mettre toutes dans le même panier. Les classements (encore eux !) ont, depuis cette même nuit des temps, distingué deux écoles de commerce régionales : l'école de management de Lyon et l'Edhec, à Lille. Dans ce combat de métropole, Lyon s'est toujours imposé face à Lille. Dans le plus vieux classement que nous ayons réussi à retrouver (L'Expansion, 1987), l'emlyon était déjà devant sa concurrente du Nord.

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Source : classements du Financial Times

Source : classements du Financial Times

Seulement voilà, il y a quelques années, alors que la compétition semblait être coulée dans le béton tellement le Top 5 était figé, l'emlyon s'est mise à décrocher. Il y a d'abord eu les salves du journal The Financial Times, qui édicte deux sacro-saints classements. Le premier classe dès 2014 le master en management de l'emlyon derrière celui de l'Edhec. Un an plus tard, c'est dans celui des meilleures écoles de commerce européennes qu'on voit l'école lilloise doubler sa rivale lyonnaise. Dans les classements nationaux (Challenges et l'Etudiant), il a fallu attendre le début des années 2020 pour qu'une première permutation s'opère.

Résultat : 2021 est la première année où les étudiants de classe préparatoire admis aux deux écoles, choisissent en priorité d'aller à l'Edhec plutôt qu'à l'emlyon. Cataclysme.

La course au chiffre d'affaires au détriment de la qualité

Mais alors, que s'est-il passé pour que des éditeurs de classement, réputés si timides à faire tout changement dans le haut du classement, assument de rétrograder l'école de la troisième ville de France ?

Durant les années 2010, l'emlyon change de stratégie et se lance dans une course au chiffre d'affaires. Un des leviers est d'accueillir davantage d'étudiants. Les portes sont alors ouvertes aux étudiants en admissions parallèles, ceux venant de l'université. Pour une grande école qui tire classiquement son prestige d'être intégrée par des étudiants ayant suivi deux, voire trois longues années de classe préparatoire, le signal n'est pas bon.

Durant cette décennie, les développements se font tous azimuts et en quelques années, le chiffre d'affaires passe de 40 à 100 millions d'euros. On reproche alors à la direction de faire croître les effectifs au détriment de la qualité de l'enseignement, et du bien-être des salariés de l'école dont une partie démissionne. Entre 2015 et 2017, 59 ruptures conventionnelles, 47 démissions et 15 licenciements sont recensés.

Autre argument qui déconcerte le milieu des grandes écoles : en 2021, l'emlyon fait le choix, à rebours de toutes les autres, de quitter son statut juridique d'association à but non lucratif pour devenir une société anonyme. Rentre alors au capital bpifrance mais surtout le fonds d'investissement Qualium. Peu importe si la logique de rentabilité prime ou pas, elle est dans toutes les têtes. La confiance en ce symbole des écoles de management s'effrite.

Cap sur le dérèglement climatique pour l'Edhec

Tels deux vases communicants, l'Edhec tire profit de la rétrogradation (ajoutons, toute relative) de son homologue lyonnaise. Elle met en avant son recrutement qui est resté à deux tiers en provenance des classes préparatoires, le maintien de son statut d'association qui lui permet de maintenir son indépendance et le cap mis sur l'excellence académique.

Ces dernières années, l'Edhec a mis le paquet sur la recherche, et celle-ci lui a bien rendu. Ses chercheurs ont réussi à mettre sur pied une start-up en gestion d'actifs qu'elle a vendue en 2020 pour 220 millions d'euros. « Une grande partie de cette somme est aujourd'hui réinvestie dans notre plan stratégique 2020-25, au profit des étudiants et de la recherche », nous fait savoir l'école lilloise, qui précise qu'en termes de classements, son objectif reste de se maintenir dans le Top 10 du Financial Times des écoles de commerce européennes.

L'Edhec, dont la finance a toujours été le fer de lance, essaie de conjuguer cet atout avec la crise écologique. L'école espère garder une longueur d'avance en injectant 75 millions d'euros dans la recherche sur l'évaluation du risque climatique, l'analyse de l'impact ESG (Environnement, Social et Gouvernance) des investissements dans les infrastructures ou encore sur l'analyse des performances climatiques des investissements boursiers.

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Miser sur des matières d'avenir suffira-t-il à garder à distance sa concurrente lyonnaise ? Rien n'est moins sûr. Dans le dernier classement ChangeNOW - Les Echos START qui récompense les écoles les plus engagées dans la transition écologique et sociale, L'Edhec est 6e derrière l'emlyon classée 3e.

Reprise en main en 2020 par l'ancienne présidente de l'Université de Paris-Dauphine, Isabelle Huault, l'emlyon opère un retour remarqué dans la compétition. Pour redonner confiance en sa maquette pédagogique, la directrice générale décide de recruter 10 enseignants-chercheurs par an pendant cinq ans.

Signe de ce renouveau, l'emlyon reviendra dès octobre 2023 dans le centre-ville de Lyon (après son campus d'Ecully), avec un nouveau bâtiment où ont été investis 130 millions d'euros. Isabelle Huault compte d'ailleurs tirer profit de son statut juridique, qui lui vaut tant de critiques, pour investir tous azimuts. Avec son nouvel actionnaire, Galileo, leader mondial de l'éducation privée supérieure et son augmentation de capital, emlyon prévoit 80 millions d'euros pour acquérir prioritairement des écoles de management ou d'ingénieurs.

Et pour rassurer face au risque de financiarisation de l'école, la directrice générale a fait de l'école une société à mission. Qu'est-ce que ça veut dire ? Tout en restant privée, l'école s'engage à respecter sa raison d'être inscrite dans ses statuts : « former et accompagner tout au long de leur vie des personnes éclairées qui transforment les organisations avec efficacité pour une société plus juste, solidaire et respectueuse de la planète ».

Emlyon is back

Si ce n'est pas son seul but, Isabelle Huault a bien en ligne de mire de reprendre son rang. « Regagner notre 4e place ne fera que conforter notre dynamique de progression dans quasiment tous les classements internationaux et reflétera surtout la solidité de nos fondamentaux au service de la réussite des étudiants. »

Et deux ans et demi après le changement de direction, les signes sont déjà bien là. En 2022, le master en management de l'emlyon repasse devant celui de l'Edhec, toujours selon le Financial Times. Même inversion dans le classement des exécutives MBA également publié par le quotidien de La City.

Source : classements du Financial Times

Source : classements du Financial Times

Preuve de cette remontada, en 2023, le journal l'Etudiant ne parvient pas à trancher ce duel dantesque et classe les deux écoles à la 4e position. A croire que la guerre des classements a encore de beaux jours devant elle…

Toutes les deux sollicitées dans le cadre de cet article pour tenter de percevoir leur différence, l'Edhec et l'emlyon ont toutes deux mis en avant leur volonté d'être la plus insérée dans l'écosystème entrepreneurial français ou d'être la plus en pointe sur le dérèglement climatique. Elles ont d'ailleurs chacune cité leur partenariat avec la célèbre université californienne de Berkeley. Quelques exemples qui disent ô combien les deux écoles sont en réalité plus proches qu'on ne veut bien le croire. Classement ou pas.

Pour une totale transparence

Le journaliste qui a rédigé cet article est diplômé de l'Edhec et assure, main sur le coeur, avoir tenté de faire preuve de la plus grande objectivité.

Florent Vairet

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