L’alimentation issue de la culture cellulaire est loin d’avoir rejoint les assiettes des Français, mais elle fait déjà couler beaucoup d’encre. Encore au stade de la recherche dans des laboratoires de start-up, ces produits qui reproduisent la texture de morceaux de viande ou de poisson à partir de cellules souches cultivées dans des réacteurs se présentent comme une alternative économe en terres, en eau, et moins émettrice en gaz à effet de serre que les produits issus de l’élevage. Mais beaucoup y voient une technologie artificialisant l’alimentation, attaquant l’agriculture et les traditions paysannes. Dans un rapport qui aurait dû être examiné mercredi 15 mars, et dont l’approbation a été reportée pour des raisons de calendrier, des sénateurs appellent à « accélérer les recherches pour décider en toute connaissance de cause et ne pas tomber dans la dépendance à de grandes entreprises étrangères », mais demandent aussi à renforcer les procédures d’évaluation de ces produits.
Alors que seul Singapour a autorisé des aliments de culture cellulaire (dans quelques restaurants de niche), et qu’une demande de commercialisation est en cours d’instruction aux Etats-Unis, « on est aujourd’hui à un moment charnière, avec des start-up qui vont bientôt – fin 2023 ou en 2024 – déposer des dossiers d’autorisation de mise sur le marché européen », explique Olivier Rietmann, sénateur (Les Républicains) de Haute-Saône et corapporteur, avec Henri Cabanel, élu Rassemblement démocratique et social européen de l’Hérault, de la mission d’information sur cette technologie. « Il faut qu’on ait une connaissance totale du dossier, plaide M. Rietmann. On ne peut pas se permettre de ne pas anticiper, ça nous évitera de prendre des décisions sans étude d’impact. »
Loin d’accorder un blanc-seing à la filière, les sénateurs de la commission des affaires économiques, qui ont mené une quarantaine d’auditions et se sont déplacés aux Pays-Bas, berceau de cette technologie depuis une dizaine d’années, demandent une plus grande transparence aux entreprises du secteur, qui gardent secrets une partie des procédés de fabrication. L’impact environnemental en particulier reste difficile à évaluer, faute de données suffisantes. La liste des ingrédients entrant dans la fabrication doit également être publique. « Un des nerfs de la guerre, c’est le milieu de culture [dans lequel sont plongées les cellules souches pour leur reproduction], relève Olivier Rietmann. Or, on n’arrive pas à avoir la vraie recette. On n’a pas non plus une vraie clarté sur l’utilisation ou non d’antibiotiques. »
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