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Rencontre

Marie-Amélie Le fur, présidente du Comité paralympique français : «Le sport m’a permis de ne pas ressasser le passé»

Forum de l'inclusion économiquedossier
La nonuple championne olympique, amputée d’une jambe à 15 ans, souligne à quel point son investissement en parathlétisme a été décisif dans son adaptation à un «corps nouveau» et l’a autorisée à se projeter.
par Didier Arnaud
publié le 21 mars 2023 à 3h28
Comment promouvoir une démarche inclusive et en assumer le développement ? Un dossier réalisé en partenariat avec l’Afdas à l’occasion de son Forum de l’inclusion économique dans le sport, le tourisme et le divertissement, le 21 mars à Paris.

«J’ai toujours fait du sport, depuis le plus jeune âge, mais j’ai été victime, à 15 ans, d’un accident de la route qui a conduit à une amputation. Il me fallait m’aider à me reconstruire, faire le lien avec mon nouveau corps. Après mon premier titre paralympique [en 2012 sur 100 mètres; elle a concouru depuis 2005 en sprint et saut en longueur, ndlr] j’ai pensé aux gens qui n’avaient pas eu de leviers financiers. Et j’ai voulu m’investir pour eux.

«Il faut analyser ce que m’apporte le sport au quotidien, même si je ne suis plus sportive de haut niveau. Au moment de l’accident, la pratique a été essentielle, car j’ai été projetée dans un corps nouveau. Je ne connaissais pas mes limites. J’ai pu ainsi m’affranchir d’une forme de stigmatisation, me découvrir par moi-même, arriver à dépasser ces nouvelles limites corporelles, m’adapter aux difficultés du quotidien.

«Le second bienfait est de se donner un but vers lequel cheminer. Mes projets étaient flous, instables. Le sport m’a permis de ne pas ressasser le passé, de me projeter.. Et aussi de retrouver une nouvelle communauté. Ce lien social est essentiel, car il fait ressortir de l’isolement. La pratique dans un club ordinaire, le fait de ne pas se retrouver marginalisée, garder confiance en soi à un moment ou j’étais dans l’inconnu. Sans cela, je n’aurais pas été capable d’accepter le regard des autres et je me serais mis davantage de barrières en raison de la stigmatisation sur les personnes en situation de handicap.

«Je voulais être sapeur-pompier professionnelle au moment de mon accident. Tout d’un coup, je ne savais plus ce que je pouvais faire, mon rêve s’est écroulé. Il m’a fallu en trouver un nouveau, grâce à la team EDF et à la pratique de haut niveau [Marie-Amélie Le Fur est salariée EDF depuis 2011, en parallèle de sa carrière sportive, ndlr]. Parmi les valeurs centrales du sport, il y a le partage, l’échange et la convivialité, quelle que soit la discipline. La rencontre et le goût de l’effort créent des liens et ouvrent de nouvelles voies. On se voit différemment. On découvre des compétences qu’on ne soupçonnait pas auparavant. La représentation est une des premières choses qui va permettre d’accepter le regard de l’autre. Comme handicapée, on ne répond plus à la norme, on doit affronter des regards différents. Le sport est un vecteur de confiance en soi. Je sais que je n’ai pas changé après mon accident. Je reste la même, j’ai toujours la même personnalité. Etre entourée par des gens qui m’ont aidée à croire en moi a été essentiel. C’est dire le pouvoir qu’a le sport pour faire rayonner une personne.»

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