Les régions veulent peser sur la réforme de la voie professionnelle

L’association Régions de France a déposé en février dernier sur le bureau des ministres Carole Grandjean et Pap Ndiaye une contribution portant 20 propositions "pour faire de la voie professionnelle une voie choisie". Des propositions qui s'articulent autour des grandes thématiques au cœur de la concertation qui a démarré en octobre dernier, à savoir la lutte contre le décrochage, la poursuite d’études, l’insertion professionnelle ou encore la maîtrise de la carte des formations.

Alors que la concertation se poursuit dans le cadre du projet de réforme de la voie professionnelle, les régions ont élaboré vingt propositions qu’elles ont transmises au ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, ainsi qu’à Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Les régions disent voir dans cette réforme "une chance pour les acteurs de l’éducation de renforcer l’attractivité des métiers et des formations et de prioriser les investissements nécessaires à cette transformation". Une réforme dont la réussite devra nécessairement s’appuyer "sur la compétence économique" qui est la leur. Dans le détail, les vingt propositions mises en forme par Régions de France entendent répondre aux quatre grands axes de la réforme que sont : la prévention du décrochage, l’organisation de la poursuite d’études supérieures, l’amélioration de l’insertion professionnelle ou encore la maitrise de la carte des formations sur chaque territoire.

Régions de France plaide pour une réelle gouvernance tripartite dans l’élaboration des cartes de formations

Sujet prioritaire pour les régions, "la maitrise de la carte des formations" est qualifiée en l’état de "processus frustrant qui ne repose ni sur le partage de toutes les données ni sur une totale transparence" et qui ne permet pas, in fine, de faire de cette carte "un outil stratégique au service du développement économique et de la répartition des compétences sur le territoire". Les régions dénoncent un système dans lequel chaque région définit les besoins avec les branches alors que le rectorat, de son côté, décide des ouvertures et des fermetures de formation. Dans ces conditions, "parler de maitrise de la carte des formations est une facilité de langage mais ne reflète pas la réalité", tranche Emmanuel Georges-Picot, conseiller formation, éducation, emploi chez Régions de France. Pour davantage d’efficacité, Région de France plaide donc en faveur d’un véritable pilotage régional avec une gouvernance tripartite entre l’Etat, les régions et les branches, "sur le modèle de ce qui fonctionne aujourd’hui pour l’enseignement agricole". Les régions appellent d’ailleurs à sortir de la logique de révision annuelle qui prévaut pour tendre vers une programmation sur 3 ou 5 ans "car il est possible d’anticiper davantage, même si cela implique un travail fin et permanent".

La question de l’ouverture de la gouvernance des lycées professionnel fait débat

Les régions souhaitent également remettre sur la table une proposition qui n’a, à ce stade, pas été retenue dans le cadre de la concertation : l’ouverture de la gouvernance des lycées professionnels. "Un sujet qui fait débat", reconnaît Emmanuel Georges-Picot, mais qui mérite d’être discuté, estime le représentant de Régions de France. "Sans remettre en cause la fonction essentielle du proviseur, on pourrait très bien avoir un président de conseil d’administration qui soit issu du monde socio-économique, voire un parent d’élève ou un président d’association pour créer une ouverture de l’établissement sur le monde qui l’entoure. C’est un système qui fonctionne dans l’enseignement agricole, estime-t-il, et qui renforce l’interaction des établissements avec le territoire".
Sur la question du décrochage, les régions font le constat que les jeunes scolarisés en lycées professionnels forment pour beaucoup un public fragile au sein duquel seule une minorité a un projet professionnel choisi. Pour les autres, un accompagnement dès leur entrée au lycée "en mode projet" semble indispensable "pour construire avec eux un parcours de réussite". Les régions mettent en avant leur rôle dans la mise en œuvre et la coordination des actions de prise en charge des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ou avec un niveau de qualification insuffisant. Avec à l’appui, souligne Régions de France, un bilan positif sur la réduction du nombre de jeunes sortant chaque année sans qualification du système scolaire (7,8% en 2021 contre 12,6% en 2010).

Accompagner les jeunes par le mentorat

Les régions réclament ainsi une nouvelle approche des relations entre l’État et elles-mêmes sur la question de la prévention, conscientes que "c’est avant le décrochage qu’il faut agir", c’est-à-dire au niveau de l’accompagnement du jeune vers une orientation choisie. Un travail qui doit démarrer dès le collège, estime Régions de France qui propose de davantage sensibiliser les départements aux enjeux de l’orientation et à la nécessité de renforcer leurs liens avec les régions. Parmi les propositions mises en avant, on retrouve également le développement du mentorat ou plus généralement l’ensemble des mesures qui favorisent la mobilité des jeunes souhaitant s’inscrire dans des formations loin de leur domicile. Une façon "de créer les conditions de la réussite par les actions de politique éducative".
Encourager la poursuite des études supérieures et favoriser l’insertion professionnelle sont également au menu des propositions de Régions de France. Sur ce dernier point, les régions privilégient le développement des stages ainsi que leur gratification, une suggestion actée par Carole Grandjean lors de ses récentes prises de parole. Enfin, s’agissant de la question de la "coloration" des diplômes, les régions pointent la nécessité d’assouplir les référentiels de formation afin que les établissements soient en mesure de moduler certains enseignements en fonction des besoins des élèves. "Cela nécessite une ouverture d’esprit de la part des autorités académiques avec un pilotage plus fin en lien avec les besoins du tissu local", précise Emmanuel Georges-Picot.