Il a suffi d’une pétition (« Non au démantèlement de l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière. Sauvons l’enseignement public ! ») et d’une tribune dans Libération, mercredi 8 mars, pour mettre le feu aux poudres. Parce que la Cité du cinéma, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), est, le temps des JO 2024, destinée à devenir le cœur du village olympique, elle doit être vidée de ses occupants – au moins temporairement. Et l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière, qui y est hébergée depuis 2012, est donc appelée à déménager en 2024 dans des locaux à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
« Moi aussi, si je ne connaissais pas le dossier, à la façon dont elle est écrite, je signerais leur pétition… » Duffle-coat, écharpe, gestes rapides, Vincent Lowy, le directeur de cet établissement qui forme la crème des techniciens de l’image et du son, ne cache pas son agacement. « Cela ne m’intéresse pas d’argumenter. La seule chose qui m’importe aujourd’hui, c’est que les gens qui sont attachés à l’école comprennent bien, que, contrairement à ce qui y est dit, elle n’est pas menacée. »
Lorsque, en septembre, il annonce avoir trouvé des locaux à Aubervilliers, adossés au campus Condorcet, les enseignants montent au rideau : l’école se trouvera répartie sur plusieurs sites, sans salle de projection, avec des plateaux à construire… Bronca. En janvier, nouvelle annonce : un budget de 4 millions d’euros de travaux est prévu, avec construction d’une salle de projection. En revanche, l’école ne reviendra pas à la Cité du cinéma, dont le loyer de 3,5 millions d’euros par an est jugé prohibitif. Louis-Lumière restera dans les locaux d’Aubervilliers pendant neuf ans, en attendant une installation définitive en 2033 à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Comprendre : dans un lieu qui reste à trouver ou à construire, près de l’université Gustave-Eiffel (Marne-la-Vallée), dont l’établissement va dépendre.
Cette fois, la coupe est pleine. Face à ce sentiment de tomber de Charybde en Scylla, la revendication de l’intersyndicale est simple et répétée à l’envi : délocalisation temporaire (« Le temps des JO, un moindre mal, on l’a bien fait pour le Covid », soupire un professeur dès lors résolu à la solution précédente) et retour à la Cité du cinéma jusqu’à la fin légale du bail, en 2027, en attendant une implantation définitive.
« Trop de revirements »
Les banderoles, aux murs de l’école, donnent le ton. « Déménagement passé en 49.3 », « Stop aux menaces », « Ne nous mettez pas à l’Eicar ». L’Eicar, c’est le nom de l’école privée de l’audiovisuel dont Louis-Lumière doit reprendre les locaux. Mais qui pour voir ces oriflammes de la révolte sagement accrochées avec du gaffer ? Qui pour venir jusque dans le hall titanesque, démesuré, et désespérément vide de la Cité du cinéma par lequel on accède à l’établissement ? Au temps de sa splendeur, Luc Besson avait imaginé cet immense hub cinématographique – studios, plateaux de tournage, bureaux, espaces de restauration, crèche… –, persuadant l’Etat d’investir massivement dans un partenariat public-privé, pour lequel l’école Louis-Lumière, dépendante du ministère de l’enseignement supérieur, avait servi d’alibi en s’y installant, en 2012. Autre temps, autre direction, mais déjà, à l’époque, l’équipe avait subi plus qu’adhéré.
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