Une rallonge budgétaire d'urgence pour les écoles d'art territoriales

La ministre de la Culture a annoncé une enveloppe budgétaire exceptionnelle de deux millions d'euros en faveur des écoles supérieures d'art et de design territoriales, dont les étudiants et personnels sont mobilisés depuis plusieurs mois pour protester contre le manque de moyens.

Les écoles supérieures d'art et de design (Esad) territoriales vont bénéficier d'une subvention supplémentaire exceptionnelle de l'État de deux millions d'euros pour faire face aux difficultés actuelles dues aux coûts de l'énergie, a annoncé la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, le 28 mars lors de la séance de questions orales au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Cette annonce est venue en réponse à une question de Fabienne Colboc, députée d’Indre-et-Loire, qui s'inquiétait du sort des trente-quatre Esad territoriales et de leurs quelque 8.500 étudiants. Ces écoles, dont trente-trois sont constituées en EPCC (établissements publics de coopération culturelle) depuis 2010, après avoir été longtemps des régies municipales, sont financées en moyenne à hauteur de 90% par les collectivités et par une participation du ministère de la Culture variable selon les établissements.

Pour des subventions nationales équitables

"Depuis la rentrée 2022, les étudiants et professeurs ont peur pour leurs écoles et se mobilisent parfois jusqu'à leur occupation, a alerté Fabienne Colboc. Elles doivent faire face à de grandes difficultés financières qui, pour certaines, peuvent mettre en péril leur existence. En effet, elles subissent, tout comme leurs financeurs, une hausse importante du coût de l'énergie et des matières première et ne disposent ni du bouclier tarifaire ni de dotations exceptionnelles pour supporter cette inflation."

Ces problèmes conjoncturels ne sont pas les seuls à inquiéter la députée. "Ces écoles posent également des questions plus structurelles, relatives aux différentes implications de l'État entre les Esad territoriales et les Esad nationales [entièrement financées par le ministère de la Cuture, ndlr] qui délivrent pourtant les mêmes diplômes, a souligné Fabienne Colboc. Je pense, entre autres, à la réaffirmation de l'État dans ces EPCC avec une clé de répartition nationale équitable, à l'équité de traitement entre les étudiants, au statut des PEA [professeurs territoriaux d’enseignement artistique, ndlr] ou encore à la compensation de la hausse du point d'indice." Des enjeux qui ne sont pas nouveaux, puisque Fabienne Colboc les mentionnait déjà dans le rapport de la mission "flash" sur les Esad territoriales paru en 2019 dont elle était corapporteure.

Baisse des dotations des collectivités

Dans sa réponse, la ministre de la Culture a reconnu que les Esad territoriales connaissaient aujourd'hui d'importantes difficultés financières, "notamment en raison de l'inflation mais aussi, il faut le dire, de la baisse de dotation de certaines collectivités". Rima Abdul Malak a alors annoncé l'octroi d'une enveloppe de deux millions d'euros immédiatement débloquée, soit environ 60.000 euros par école en moyenne, ce qui correspond à une hausse de 14% des dotations d'État.

La ministre a encore précisé qu'à long terme, pour faire face aux défis structurels, "il va falloir s'atteler dans le dialogue avec les collectivités". Pour ce faire, une mission vient d'être confiée à Pierre Oudart, ancien délégué aux arts plastiques au sein du ministère et actuel directeur général de l'Institut national supérieur d'enseignement artistique Marseille-Méditerranée. Les premières préconisations sont attendues avant l'été, tandis que la concertation avec les associations d'élus vont se poursuivre sur le sujet.

  • Les écoles d'architecture également dans la tourmente

Les écoles d'art et de design ne sont pas les seules en difficulté. Depuis le début de l'année, les personnels et étudiants des vingt écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) se mobilisent également.

Dans une lettre ouverte adressée le 21 mars à la ministre de la Culture, les présidents de la totalité des conseils d’administration des Ensa interpellent "sur la place de l’architecture dans notre pays face aux défis de l’urgence climatique, de la pénurie de logements et des inégalités territoriales". Surtout, ils rappellent les conditions budgétaires "critiques" dans lesquelles les Ensa exercent leurs missions, déplorent que "l’engagement en 2017 des deux ministères de tutelle de créer 150 postes équivalents temps plein d’enseignants-chercheurs […] n’ait pas été respecté", et pointent "un triple problème de gouvernance" dans ces écoles qui ont un "modèle hybride" entre grandes écoles et universités.

Lors d'un point presse tenu le 27 mars, le ministère de la Culture a reconnu un besoin structurel de moyens supplémentaires et a assuré qu'un plan d'action était en cours afin de "remettre à niveau les écoles".

Alors que le collectif Ensa en lutte demande l'organisation d'états généraux pour l'enseignement de l'architecture, une rencontre avec le ministère est prévue le 30 mars.