Départements de France exprime ses doutes sur le projet France Travail

Le projet "France Travail" visant à améliorer l’efficacité du service public de l’emploi se heurte aux doutes des départements quant au respect de leurs compétences en matière d’insertion des bénéficiaires du RSA.

Démarrage dans la confusion pour "France Travail". Alors que l’expérimentation de la nouvelle méthode d’accompagnement des bénéficiaires du RSA doit commencer en avril, les premiers partenaires du projet que sont les conseils départementaux expriment une nouvelle fois leurs doutes dans un communiqué diffusé jeudi 23 mars par Départements de France. Lundi 27 mars, la Seine-Saint-Denis annonçait même son retrait définitif de l’expérimentation.

Malgré les concertations et la tenue d’un troisième comité de suivi de la réforme, le 21 mars, les garanties apportées par le haut commissaire à l'Emploi, Thibaut Guilluy, sur le respect de la place de ces collectivités dans le futur dispositif n’ont pas convaincu. "Les départements perçoivent parfois le rôle de l’État comme trop prégnant pour le pilotage des outils, et potentiellement intrusif dans le champ de leurs compétences", écrit l’association d’élus. Elle ajoute que les départements "ne veulent pas être relégués au seul volet social" et souhaitent conserver leur compétence de diagnostic de la situation des allocataires, "en lien avec Pôle emploi".

Pourtant, "l’articulation avec Pôle emploi fait l’objet d’échanges pour maintenir la place des départements dans le pilotage des outils et le respect des compétences de chacun, en maintenant le principe d’une approche à 360 degrés", peut-on lire dans le communiqué.  Par ailleurs, les élus locaux s’inquiètent de ce qu’on leur impose des outils numériques "qui puissent ne pas être interfaçables […] ce qui pourrait être interprété comme une tentative de l’État de contrôler les départements via les données notamment".

Alors que la généralisation de France Travail est envisagée pour 2024, cette ambition exige des financements "sans commune mesure", rappelle aussi Départements de France, bien au-delà de l’enveloppe de 21,7 millions d’euros déployée pour la phase pilote. Quant au timing du futur projet de loi plein emploi, dont l’examen par le Parlement doit commencer avant l’été, il interroge également dans la mesure où les expérimentations seront encore en cours. Pour Départements de France, il serait au contraire urgent d’attendre et donc de "rester à droit constant" sur ce sujet sensible.  

Départements de France a par ailleurs pu avoir une réunion de travail le 24 mars avec Elisabeth Borne et quatre membres du gouvernement. Une réunion dont l'objet était plus large : celui d'un point d'étape sur "l'agenda territorial des départements" et d'un "tour d’horizon pour déterminer, conjointement, le bon échelon pour agir mieux et plus efficacement". Il y fut question d'autonomie, d'eau, d'économie... mais aussi de France Travail. Une nouvelle occasion pour les départements de rappeler leur "rôle majeur en matière d’insertion et, par conséquent, leur place centrale dans le dispositif". Olivier Dussopt leur aurait assuré que "les expérimentations en cours seront poursuivies et leurs enseignements tirés avant d’élargir, progressivement, le périmètre d’intervention à d’autres départements et territoires", rapporte l'association.

  • Expérimentation sur le RSA : la Seine-Saint-Denis renonce

La Seine-Saint-Denis s'est retirée des 19 départements retenus pour tester le nouveau dispositif d'insertion des allocataires du RSA, a-t-elle annoncé lundi 27 mars. "La doctrine portée par le gouvernement en matière de conditionnalité des aides sociales (...) me paraît une grave entorse à notre République", écrit le président PS du conseil départemental, Stéphane Troussel, dans un courrier à Olivier Dussopt transmis à l'AFP. Au titre de la lutte contre la pauvreté, "le RSA est un droit social fondamental, qui ne saurait se mériter par un quelconque engagement dans un accompagnement intensif (...). La mise au travail de toutes et tous quoi qu'il en coûte ne peut être l'objectif unique et prioritaire des politiques publiques", ajoute Stéphane Troussel.
"C'est un choix politique du 93", a réagi le haut commissaire à l'Emploi Thibaut Guilluy, interrogé par l'AFP. Celui-ci conteste aussi les arguments techniques avancés par Stéphane Troussel qui se dit dépossédé des pouvoirs d'orientation et de sanction des bénéficiaires du RSA au profit de Pôle emploi. "C'est faux. Nous voulons harmoniser les régimes de sanction de Pôle emploi et des départements, mais le conseil départemental gardera le pouvoir d'appliquer ou non une sanction" contre un bénéficiaire du RSA qui ne respecterait pas ses obligations, assure-t-il.
L'expérimentation, qui aurait dû débuter au premier trimestre, devrait démarrer finalement courant avril dans la plupart des 18 départements retenus, selon Thibaut Guilluy. Elle aura lieu dans un bassin d'emploi de chacun des départements (Decazeville pour l'Aveyron par exemple), seule la Creuse étant retenue dans sa globalité. L'objectif, en se basant sur une meilleure coordination des acteurs locaux, est d'inscrire les bénéficiaires du RSA systématiquement à Pôle emploi - seuls 40% le sont actuellement - et d'organiser la partie diagnostic et orientation beaucoup plus rapidement. Les allocataires signeront un contrat avec des droits et devoirs, s'engageant à suivre 15 à 20 heures d'activité hebdomadaire pour se rapprocher de l'emploi avec un accompagnement renforcé. L'expérimentation devrait concerner un peu moins de 40.000 bénéficiaires du RSA (sur 1,8 million). L'objectif est de l'élargir progressivement pour arriver à une généralisation début 2027. Le renforcement de l'accompagnement représente un budget d'environ 500 euros par personne.
   Source AFP

 

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