"Femmes de l'éducation", un nouveau réseau professionnel féminin au ministère de l’Éducation nationale

Marine Ilario - Mis à jour le
"Femmes de l'éducation", un nouveau réseau professionnel féminin au ministère de l’Éducation nationale
ministère de l'éducation nationale adobe // ©  HJBC / Adobe Stock
"Femmes de l'éducation", c'est le nom du nouveau réseau professionnel féminin au ministère de l’Éducation nationale. Il était le seul ministère à ne pas en disposer. Le lancement de ce nouveau réseau a été l'occasion de dresser un état des lieux de la parité parmi les cadres du ministère, et d'évoquer les leviers pour lever les freins des femmes pour accéder à des fonctions d'encadrement dans l'éducation.

"Votre démarche est importante. Vous pouvez compter sur moi pour être à vos côtés dans ce que vous entreprendrez pour lutter contre toutes formes de discriminations, d’auto-censure, de violences symboliques et d’inégalités qui existent dans notre ministère." Avec ces mots, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye a conclu le lancement du réseau "Femmes de l’éducation", premier réseau féminin professionnel du ministère, jusque-là le seul à ne pas en disposer. "Une anomalie" dorénavant corrigée pour le ministre qui reconnaît l’intérêt de ces réseaux "pour faire avancer concrètement les questions d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes".

Pendant près de deux heures, le mardi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, un état des lieux au sein du ministère a été dressé, tout en présentant les réseaux féminins existants et les objectifs portés par ce nouveau réseau.

Un nouveau réseau de femmes cadres dans l'éducation

Né de la volonté d’une trentaine de femmes, en août 2022, le réseau professionnel féminin "Femmes de l’éducation" commence à voir le jour. "Chacune a exprimé une envie, un besoin d’échanger sur la place des femmes dans notre ministère" explique Sophie Béjean, rectrice de la région académique Occitanie qui préside la séance.

Concrètement, l’objectif de ce réseau est de devenir "un espace d’échange pour donner envie d’embrasser une carrière de cadres au sein du ministère". Par le partage d’expérience et des différents parcours, le réseau "Femmes de l’éducation" a pour ambition de promouvoir la place des femmes dans les fonctions d’encadrement.

Les femmes moins représentées dans les fonctions d’encadrement au MEN

Au sein du ministère de l’Éducation nationale, si la parité est quasiment atteinte, dans certains domaines, ce n’est pas tout à fait vrai. Par exemple, dans le vivier des directeurs d’écoles, encore en charge d’enseignement, 20% sont des hommes et 80% sont des femmes. Mais la tendance s’inverse dans les directions d’écoles totalement déchargées. "Quand une femme est directrice déchargée c’est presque quatre hommes qui le sont aussi" précise Nadette Fauvin, inspectrice générale de l’Éducation, du sport et de la recherche.

C’est pourtant souvent par ces fonctions que les professionnels accèdent ensuite aux emploi d’IEN (inspecteur de l’Éducation nationale), si bien que lorsqu’une femme devient IEN, ce sont quatre hommes qui accèdent à cette fonction.

Par ailleurs, les femmes qui accèdent, malgré tout, à des fonctions d’encadrement au sein du ministère de l’Éducation nationale, occupent principalement des fonctions d’adjointes. Hélène Insel, rectrice de l’académie de Grenoble, illustre cet état de fait dans son académie. "Sur les personnels de direction, on atteint une quasi parité avec 48% d’hommes et 52% de femmes. Mais parmi ces femmes, 55% sont adjointes alors que chez les hommes, plus de 65% sont chefs". Pour la rectrice, "c’est parce que les femmes sont plus nombreuses à commencer par être adjointes avant d’être promues cheffes".

Les femmes occupent des fonctions d’encadrement en fin de carrière

Autre état de fait : lorsqu'elles décident d’embrasser une carrière dans les fonctions d’encadrement, les femmes ont un âge un peu plus avancé que les hommes. Autrement dit, les hommes accèdent un peu plus rapidement aux fonctions de direction que les femmes. "En 2022, les femmes qui sont recrutées au concours des personnels de direction ont deux ans de plus que les hommes", indique Sandrine Bodin, sous-directrice de l'innovation, de la formation et des ressources à la Dgesco (direction générale de l’enseignement scolaire).

Pour Caroline Pascal, cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, cet écart s’explique parce que les fonctions d’encadrement sont, pour de nombreuses femmes, "un aboutissement de leur parcours au sein du ministère et elles y accèdent, en général, au dernier tiers de leur carrière".

Des freins systémiques à l'accès à des postes de direction

Si les femmes sont moins nombreuses à accéder aux fonctions de direction et à un âge plus avancé, c’est aussi à cause de freins que l’on retrouve dans d’autres métiers de la fonction publique : la mobilité géographique, parfois obligatoire pour passer des échelons et les questions autour de la maternité.

La maternité est d’ailleurs "l’obstacle majeur dans le déroulé des carrières des femmes", affirme Nathalie Pilhes, présidente de l’association interministérielle "Administration moderne". Certains services de fonctions cadres ont encore du mal à s’organiser en cas de congés maternité et "font du bricolage pour continuer à fonctionner alors que la probabilité pour que les fonctionnaires femmes, dans leur carrière, aient un ou plusieurs enfants est forte".

Une absurdité alors même que certains services publics, comme les hôpitaux par exemple, fonctionnent 24h sur 24 avec des femmes. "Si le système est en capacité de s’organiser dans certains services, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas pour l’ensemble de l’organisation publique", et donc dans les fonctions d’encadrement.

Des réseaux féminins pour inverser la tendance dans la fonction publique

Pour briser ce plafond de verre, de nombreux réseaux féminins professionnels se sont créés au sein de la fonction publique : femmes et diplomatie, femmes de justice, femmes de Bercy, administration moderne, 2GAP, etc. Des réseaux au plus près du terrain qui mettent en avant les problématiques confrontées. "Grâce au laboratoire d’idées du réseau Administration moderne, on peut faire remonter aux pouvoirs publics un certain nombre de propositions".

La sénatrice Anick Billon a, par exemple, déposé une proposition de loi en novembre dernier sur la féminisation de l’encadrement supérieur de l’État qui reprend les propositions que portent les réseaux depuis plusieurs années.

Ces réseaux ont aussi mis en place des solutions pour échanger et favoriser la présence des femmes dans les fonctions d’encadrement. Des bonnes pratiques qui pourront se développer dans le nouveau réseau féminin du ministère de l’Éducation nationale. Comme un programme de mentorat qui permet le partage d’expérience entre une mentor et une mentorée. Ou encore la mise en place d’ateliers de préparation des entretiens de recrutement. "L’idée est de s’entraîner à prendre la parole, gagner en confiance en soi et ne plus remettre en cause sa légitimité" explique Frédérique Alexandre-Bailly, directrice de l’Onisep.

Enfin, des ateliers de réflexions permettent d’échanger "sur un sujet d’actualité, ou autour d’un témoignage" explique Elodie Mareau, directrice de cabinet. "Avec le lancement de ce réseau, nous allons proposer des ateliers mensuels autour d’un petit déjeuner".

Toutes ces actions viendront compléter celles du ministère qui vient d’obtenir la labélisation Afnor égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Un label "qui ne nous récompense pas, mais qui nous engage" a reconnu Pap Ndiaye à la fin des échanges.

Marine Ilario | - Mis à jour le