TDAH, autisme : quand TikTok aide au diagnostic

Sur TikTok, parfois sur Instagram, les vidéos sur la santé mentale sont nombreuses. Une communauté se regroupe autour des TDAH et de l’autisme, sous-diagnostiqués chez les adultes. Avec pour objectif de vulgariser les troubles, elle permet parfois, quand c’est le cas, d’aider au diagnostic.

Si pour certains TikTok rime avec futile, pour certains, c'est une aide précieuse. marcelsinge
Si pour certains TikTok rime avec futile, pour certains, c'est une aide précieuse. marcelsinge

    « Avec cette vidéo, je me suis sentie moins seule dans mon parcours ». Emma, 26 ans, en avait 6 quand elle a été diagnostiquée souffrant de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). En décembre dernier, elle poste sur TikTok une vidéo sur les symptômes du TDAH chez les femmes, qui culmine depuis à près de 850 000 vues. « Je voulais faire comprendre ce que provoque ce trouble, car on est quand même souvent pointés du doigt pour des choses dont on n’est pas responsables. »

    Cette vidéo, qui ne représente pas le ton de sa chaîne TikTok, lui vaut de recevoir de nombreux messages autour de la question du diagnostic. « Les gens ont besoin de s’identifier. J’ai eu aussi beaucoup de commentaires du type ‘si c’est ça, tout le monde à un TDAH’, car les symptômes peuvent ressembler à ceux du stress. Pour moi, ça montre surtout qu’on en parle pas assez ! »

    Problème, quand on en parle pas assez, les malades peuvent errer longtemps. Comme Chloé, suivie par des psychologues depuis l’enfance et dont le diagnostic n’a été posé qu’à l’âge adulte, après des recherches personnelles. « Il a fallu que je tombe sur une traumatologue, avec qui j’ai d’abord travaillé sur les symptômes, pour qu’enfin on reconnaisse le TDAH et le C-PTSD (trouble de stress post-traumatique complexe) ». En cause, le côté « psychophobe » de la société française : « C’est vu comme une faiblesse d’avoir besoin d’un suivi psy ». Pourtant la reconnaissance officielle du trouble ouvre la possibilité d’une prise en charge médicale adéquate, notamment par la médication.

    « On se sent seul à vivre ce genre d’expérience »

    Souvent, le diagnostic venu sur le tard éclaire une expérience de vie parfois traumatisante. « C’est très compliqué, surtout au cours de la scolarité, quand tout le monde convient que vous êtes quelqu’un de bizarre, mais que personne ne sait pourquoi, pas même soi ! ». Chloé tatonne, lit « Le manuel du langage corporel » ou « Se faire apprécier en 3 minutes » sans comprendre comment fonctionnent les autres.

    « Depuis, j’ai développé de très bonnes capacités de sociabilisation, mais j’ai appris à ‘masquer’, à cacher mes particularités pour être acceptée. » Chloé est tatoueuse et partage son travail sur les réseaux. À l’évocation de ses troubles, les remarques n’ont pas toutes été positives. « On m’a dit que je faisais ça pour gagner de l’attention. Mais, j’ai juste voulu partager mon vécu pour aider d’autres personnes. C’est le besoin de faire communauté qui m’a motivée, parce que souvent, on se sent seul à vivre ce genre d’expérience. »

    En France, l’obtention de diagnostics officiels peut s’apparenter à un parcours du combattant. Pour la psychologue spécialiste des pratiques numériques, Vanessa Lalo, le succès des vidéos TikTok répond à une « faillite de l’Etat » sur la prise en charge de la santé mentale. « Il y a un déficit de prévention, de détection de signaux faibles, un manque cruel d’accès aux soins. Il n’y a pas assez de professionnels, ni de lieux de consultation. »



    Dans le public, qui permet une prise en charge par la sécurité sociale, il y a souvent des listes d’attente importantes avant d’obtenir un rendez-vous dans un hôpital, un CMP (centre médico-psychologique) ou un CRA (Centre de ressources autisme). Beaucoup de patients, découragés par les délais, optent pour la médecine libérale. Seulement un diagnostic de TDAH peut atteindre plusieurs centaines d’euros. Sur les réseaux, les communautés s’échangent des noms de praticiens spécialisés.

    « Je me suis dit que parler d’autisme et de TDAH, ça pouvait aider d’autres personnes »

    Dans l’enfance, Lev aussi est passée sous le radar du diagnostic. Il a fallu une expérience professionnelle traumatisante, pour finalement comprendre, à 26 ans, pourquoi elle se sentait si différente. « J’ai commencé à travailler en tant qu’enseignante-stagiaire après mes études. Mais j’allais très mal et je voyais bien que c’était au-delà des difficultés du métier que mes collègues vivaient également. » Intolérante au bruit, les journées au collège lui sont invivables. Elle finit par consulter un psychologue et démissionne de l’Education nationale. On lui diagnostique finalement un TSA (trouble du spectre autistique) combiné à un TDAH et à une dyspraxie, un trouble de la motricité.

    Ce qui l’a motivée à parler de cette expérience sur les réseaux sociaux, c’est qu’elle a dû, comme tous ceux qui ne sont pas repérés précocement, faire un long travail personnel d’investigation. À l’époque où elle s’est lancée, Lev sortait d’une dépression, qui faisait suite à ses difficultés professionnelles. Elle voulait d’abord « parler de santé mentale » et partager les astuces qui l’ont aidée à aller mieux. « Je me suis dit que parler d’autisme et de TDAH, ça pouvait aider d’autres personnes. »



    Sa communauté, fondée autour d’un contenu bien être, a réagi positivement, « même s’il y a toujours beaucoup de préjugés ». Lev manie l’humour pour parler de santé. Dans sa vidéo la plus virale, qui atteint le million de vues, elle danse sur une barre de pole dance, avec en légende « quand tu veux casser les clichés sur l’autisme ». Mais ce procédé n’est pas toujours compris : « Je remarque qu’il est difficile de faire entendre qu’on peut être autiste et heureux », mais elle espère « planter des graines » pour une meilleure acceptation de la société autour de ces questions.

    Sur TikTok, « j’ai l’impression de faire pour les autres ce que j’aurais aimé qu’on fasse pour moi »

    TikTok, contrairement aux diagnostics onéreux, est gratuit. « Un diagnostic, ça sauve des vies, et ce n’est pas normal que ce soit réservé aux personnes qui en ont les moyens », fait remarquer Théo, en colère. Diagnostiqué TDAH à 28 ans, Théo a pourtant été suivi psychologiquement depuis l’âge de 7 ans. « J’ai passé toute ma vie à chercher des réponses, j’ai vu plein de psy, et aucun ne m’a jamais parlé du TDAH ! ». C’est finalement son compagnon, neuroscientifique, qui va le mettre sur la piste.

    Depuis, son compte TikTok lui sert à partager des informations sur le TDAH : «J’ai l’impression de faire pour les autres ce que j’aurais aimé qu’on fasse pour moi ». Sur ses vidéos, on parle du diagnostic, des critères officiels, on partage des ressources… Autant de données qui peuvent ensuite permettre à ses abonnés de se poser les bonnes questions. . Pour Théo, la connaissance du sujet peut permettre « de se battre intelligemment, face à un corps médical qui n’est pas toujours formé sur ces questions ».

    La libération de la parole des personnes concernées lève le tabou autour de la santé mentale pour Vanessa Lalo qui a vu ce mouvement se généraliser depuis la pandémie, dédiabolisant le sujet alors que « la psychiatrie a toujours terrifié les gens ». C’est le cas d’Oscar dont le déclic a eu lieu lors du premier confinement. Avant de devenir @1simpleconseil sur Instagram, il a longtemps été « dans le déni » de son trouble, même s’il était diagnostiqué depuis l’enfance TDAH et HPI (haut potentiel intellectuel). Pendant le confinement, il a commencé à se passionner pour le développement personnel et la connaissance de soi.

    « Je n’aurais jamais imaginé, à 11 ou 12 ans, parler aussi ouvertement de mon trouble et donner des conseils à d’autres sur le sujet ». Oscar, qui a eu honte de sa différence pendant son enfance, prône l’acceptation : « On attend encore trop souvent la goutte de trop pour se faire aider. » S’exprimer sur les réseaux est aussi une façon pour lui de prendre soin de sa santé mentale : « Je touche du monde, et ça me fait du bien à moi d’en parler ».



    Oscar bénéficie d’un suivi psychologique et s’il est désormais à l’aise pour aborder ces sujets, il rappelle que les réseaux sociaux « sont une vitrine », qui ne montrent pas l’entièreté d’une situation. Ni ne sont suffisants pour un diagnostic médical. Les tests en ligne pouvant au mieux donner une piste. Vanessa Lalo, pour qui la vulgarisation de domaines jusque-là réservés aux spécialistes peut permettre, in fine, un meilleur accès aux soins, souligne l’importance de « garder son esprit critique ». Et de suivre cette démarche ensuite avec des pros.

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