Grand âge : Jean-Christophe Combe annonce une réforme en plusieurs "briques"

Lors de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) sur le "Bien vieillir", le 4 avril, le ministre des Solidarités a annoncé les quatre axes de la future réforme du grand âge : repérage de l'isolement et prévention de la perte d'autonomie, simplification de la vie des professionnels et des aidants, accessibilité de l'offre et en particulier des Ehpad, lutte contre les maltraitances et moralisation du secteur. Avec plusieurs étapes : des mesures inscrites dans la proposition de loi dont l'examen vient de commencer, un plan d'actions détaillé début juin et des mesures financières à l'automne dans le cadre du PLFSS. Si le "service public territorial de l'autonomie" serait créé assez vite, une éventuelle réforme de la tarification en établissement exigera plus de temps.

Jean-Christophe Combe a donné "le coup d’envoi de la réforme du grand âge" le 4 avril 2023, à l'issue de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au "Bien vieillir". "Cette réforme du grand âge ne sera pas simplement une loi, elle sera bien plus large", promet le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, qui indique que "le détail des mesures" sera dévoilé "au début du mois de juin".

Devant plusieurs centaines de personnes, dans la salle ou en visio, ayant pris part à la concertation, Jean-Christophe Combe a d'ores et déjà présenté l'architecture de cette réforme, dont la proposition de loi portée par des députés de la majorité constitue selon lui une première "brique importante pour avancer sur des sujets très concrets du quotidien". Les "briques" suivantes se concrétiseront dans un "plan d’action reprenant les mesures qui ne relèvent pas de la loi", plan dévoilé en juin, puis "dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale" – donc sur plusieurs années.

"Il y a d'ores et déjà une trajectoire des finances publiques pour la cinquième branche qui nous permet de financer un grand nombre de mesures" de cette future réforme, précise Jean-Christophe Combe devant la presse. Sur la branche autonomie créée en 2020, "on était à 32 milliards d'euros en 2021 et on arrivera à 42 milliards en 2026, en sachant que dès l'année prochaine 0,15 points de CSG vont être affectés à la Branche, soit plus de 2,4 milliards d'euros supplémentaires", détaille-t-il. Le ministre des Solidarités ajoute qu'un travail est également en cours sur la mobilisation des financements privés, notamment avec les groupes d'assurance mutualistes qui ont des propositions sur des offres de complémentaires santé pour couvrir le risque de perte d'autonomie.

"Une réforme complète de l'aide sociale à l'hébergement"

L'amélioration de l'accessibilité, notamment financière, de l'offre à destination des personnes âgées et en particulier des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), est d'ailleurs l'un des quatre axes de la future réforme. Jean-Christophe Combe et Gabriel Attal, ministre en charge des Comptes publics, se verront remettre en mai les conclusions d'une mission confiée à la députée Christine Pires-Beaune (socialiste, Puy-de-Dôme) sur le reste à charge en Ehpad. Pour des Ehpad accessibles pour tous les revenus, l'enjeu est d'"adapter ce reste à charge", ce qui suppose "une réforme complète de l'aide sociale à l'hébergement", explique le ministre des Solidarités. Mais il ajoute qu'une telle réforme dépend du devenir de la gouvernance et du modèle tarifaire des établissements. "C'est aussi pour ça aussi qu'on ne la fait pas maintenant : si on fusionne toutes les sections tarifaires [hébergement, dépendance et soin], ce sera beaucoup plus simple pour l'Etat de réformer l'aide sociale à l'hébergement", poursuit-il devant la presse. Et sur une telle refonte, "on va prendre le temps de réfléchir d'ici à cet automne parce que les implications sont assez colossales en termes de financement".

Création du service public territorial de l'autonomie

L'approche se veut donc "pragmatique" pour cette réforme : inscrire "tout ce qu'on peut" dès à présent dans la loi, en attendant de pouvoir trancher sur des évolutions plus structurantes et d'utiliser alors "d'autres véhicules législatifs". Dans la proposition de loi (PPL) portée par les députées Renaissance Annie Vidal (Seine-Maritime) et Laurence Cristol (Hérault), le ministre des Solidarités veut créer, via un amendement, le "service public territorial de l'autonomie qui va consacrer demain le rôle des départements comme les chefs de file sur les territoires de l'accompagnement des parcours des personnes en perte d'autonomie". "Ce guichet unique devra organiser des réponses claires pour les personnes en perte d’autonomie : un numéro unique, des points d’information physiques, une réponse coordonnée", présente Jean-Christophe Combe, ajoutant que ce sera "à chaque territoire d’innover pour simplifier puissamment la vie des personnes âgées et de leurs familles".

Une cellule départementale sur les maltraitances

Dans le cadre de cette PPL, "je porterai aussi de nouvelles mesures de transparence et de moralisation du secteur des Ehpad, dans la continuité de ce qui a été fait depuis la crise Orpea" (voir notre article), précise encore le ministre. Il s'agit d'un autre grand volet de la réforme, celui de la lutte contre les maltraitances et de la moralisation du secteur. Inscrite dans cette PPL, la "création d'une instance départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance" constituerait pour le ministre "un grand un pas" puisqu'une telle instance "existe aujourd'hui pour la protection des enfants" mais  "pas pour les adultes en situation de vulnérabilité" -  les personnes âgées, en situation de handicap, en situation de précarité. Des "Etats généraux de la maltraitance", actuellement en cours, doivent alimenter les discussions au Parlement. 

Le plan métiers lancé dans les prochaines semaines

La réforme visera aussi à simplifier la vie des professionnels et des aidants, en particulier "sur les conditions de travail des aides à domicile, sur la nécessité de simplifier drastiquement les formations et sur le besoin de relayage des aidants". Sur l'aide à domicile, il s'agit notamment d'"essaimer" des bonnes pratiques existantes, par exemple sur la mise à disposition par les départements de véhicules, ou encore de développer des expérimentations d’organisation autonome des équipes. Le "plan métiers" sera "la pierre angulaire de la réforme", assure Jean-Christophe Combe, tout en précisant devant la presse que ce volet dédié à l'"attractivité des métiers", qui concerne "l'ensemble des métiers du lien, du soin et de l'accompagnement", sera "lancé dans les semaines qui viennent". "Ce ne sont pas des mesurettes dont on a besoin, c'est un changement profond de modèle", ajoute le ministre. Cela en écho à la demande d'"un nouveau cadre de travail" formulée juste avant par Myriam El Khomri, l'une des pilotes du CNR sur ce thème : "sortons du chronométrage des tâches, sortons de cette vision de l'accompagnement" et cela, "il faut être honnête, cela demande des financements".

Après Monalisa, un "plan d’action anti-isolement social"

Dernier axe annoncé pour cette réforme grand âge tant attendue : le renforcement du repérage de l'isolement social et la prévention de la perte d'autonomie. Un "plan d’action anti-isolement social" sera porté, sans qu'il soit néanmoins fait allusion à la "Mobilisation nationale contre l'isolement des aînés" (Monalisa) qui avait été une tentative de faire converger les efforts, aux niveaux national et local, sur ce thème.

Sur la prévention de la perte d'autonomie, les pistes évoquées par Jean-Christophe Combe, sur la base des propositions du CNR, sont la généralisation du programme Icope de l'Organisation mondiale de la santé (OME) – "une nouvelle approche préventive des soins en ciblant les capacités fonctionnelles partir de 60 ans" – et la création d'un label "ville bienveillante". Ce dernier serait assorti d'un fonds "pour financer des programmes d’adaptation du mobilier et des transports et valoriser les villes qui s’engagement concrètement".

Alors que les rapports des ateliers du CNR seront prochainement publiés, Jean-Christophe Combe invite les participants à poursuivre les échanges d'ici les annonces de juin.