Les écoles de production aimeraient davantage sécuriser leur financement

Alternative au lycée professionnel et aux centres de formation d’apprentis, l’école de production se développe dans l’Hexagone avec le soutien des pouvoirs publics. Ces établissements se heurtent toutefois à la question des financements disponibles et à la promotion du modèle, en particulier au sein de l’Éducation nationale.

Rumilly (Haute-Savoie), Vervins (Aisne) et bientôt Argenteuil (Val-d’Oise) : les créations de nouvelles écoles de production s’enchaînent en France. De 25 en 2018, elles sont passées à 56 en 2023, selon le dernier décompte de la Fédération nationale des écoles de production (Fnep). Depuis sa reconnaissance à travers la loi "Avenir professionnel" du 5 septembre 2018, cette "troisième voie" de formation, alternative à l’enseignement professionnel et à l’apprentissage, bénéficie d’un soutien financier accru de l’État. Une centaine d’établissements au total sont visés d’ici 2028, voire avant.  

Un cadre adapté pour les très jeunes

L’Observatoire des Territoires d’industrie, qui réunit les acteurs associés au programme éponyme visant la réindustrialisation (dont la Caisse des Dépôts), s’est rendu à Cholet (Maine-et-Loire), mercredi 5 avril, afin de visiter l’une de ces écoles : l’Institut de formation technique de l’Ouest (IFTO), créé il y a presque trois ans. Il propose des formations de niveaux CAP et bac professionnel en chaudronnerie et bientôt en maroquinerie. Les promotions actuelles comptent chacune entre 8 et 12 jeunes.

"Je constate tous les jours que ce modèle correspond aux besoins des jeunes qui ne se retrouvent pas dans une formation académique", se satisfait Antoine Beaussant, le président de l’IFTO, par ailleurs maire délégué de Nueil-sur-Layon (Maine-et-Loire). En réunissant travail et formation sur un même lieu cela présente un cadre structuré et une pédagogie adaptée à des mineurs que les entreprises hésitent à accueillir. "Même s’ils sont très immatures par ailleurs, les jeunes se comportent comme des professionnels à l’atelier", affirme l’ancien militaire.

Des "besoins absolument considérables"

L’IFTO s’appuie aujourd’hui sur une quinzaine d’entreprises clientes dans le bassin d’emploi. La diversité des commandes offre des cas d’application pour les jeunes, comme le veut le modèle du "faire pour apprendre" des écoles de production. "Le nombre d’entreprises fidèles grossit petit à petit", affirme Antoine Beaussant dans un bassin d’emploi où les besoins en chaudronniers sont "absolument considérables".

L’une des entreprises clientes de l’école choletaise est Mecatherm, un concepteur et installateur de lignes de production automatisées à destination des boulangeries industrielles. Son rapprochement avec l’IFTO lui permet à la fois de disposer d’une nouvelle source d’approvisionnement mais aussi de sécuriser son avenir. "On n’embauchera peut-être jamais de chaudronniers nous-mêmes, mais si demain nos sous-traitants disparaissaient faute de main-d’œuvre, qu’allons-nous devenir ?", questionne de manière rhétorique Laurent Spire, directeur du site Mecatherm de Montilliers, situé à Montilliers (Maine-et-Loire).

Sécuriser les financements

Antoine Beaussant identifie toutefois deux difficultés. La première concerne la connaissance du modèle des écoles de production auprès du grand public et en particulier des collégiens en classe de 4e ou de 3e.  "Ce qui est compliqué pour nous, c’est de pénétrer dans les collèges (…). L’Éducation nationale n’est pas très ouverte de ce point de vue-là", indique-t-il.

Le seconde concerne la sécurisation du financement de l’école de production. Les revenus issus de la production devant en principe assurer un tiers du budget, les établissements comptent sur le soutien de l’État – qui a signé une convention de financement pluriannuelle avec la Fédération nationale des écoles de production – ainsi que sur celui des collectivités locales. "Les régions sont toutes intéressées par le modèle de l’école de production. Mais qui dit modèle en expansion, dit besoins de financement en expansion", ajoute Antoine Beaussant. Un "vrai sujet" auquel "on ne peut pas répondre à la petite semaine", c’est-à-dire sans visibilité sur les financements à plus long terme, avertit-il.

"On a besoin de sécuriser la partie publique et les régions peuvent réagir différemment selon leurs priorités de développement des filières métiers", abonde Patrick Carret, directeur de la Fnep. Même constat concernant le solde de la taxe d’apprentissage, dont peuvent bénéficier les écoles de production. Et d'ajouter : "Depuis quelques années, ce solde est très mouvant, les modalités de collecte et de redistribution font qu’il faut réadapter régulièrement le modèle."