La France, ce pays qui se rêve grand, puissant et indépendant, mais se réveille toujours plus petit, fragile et dépendant. A la lecture du rapport de la commission d’enquête sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, rendu public jeudi 6 avril à l’Assemblée nationale, il ne reste pas grand-chose de la mythologie nationale sur la politique en matière d’énergie de ces trente dernières années.
Les 372 pages, serrées et denses, résultat de six mois d’auditions, racontent l’histoire longue d’un nombre impressionnant d’erreurs stratégiques, d’alertes non entendues, de rendez-vous manqués, de décisions hâtives, de court-termisme, de prévisions infondées, de paris risqués et d’usines à gaz réglementaires ou législatives.
Dit autrement, selon les mots inhabituellement cinglants du rapporteur de la commission, Antoine Armand (Renaissance, Haute-Savoie), l’enquête s’apparente au « récit d’une lente dérive, d’une divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique ». « Souvent, nous sommes passés de l’incompréhension à la surprise, jusqu’à la consternation », ajoute le parlementaire.
Le mythe de l’indépendance énergétique française
Présidée par le député Les Républicains Raphaël Schellenberger (Haut-Rhin), la commission a travaillé dans un contexte très particulier, marqué par les alertes du gouvernement sur le manque d’électricité et les risques de coupure au moment des pics de consommation hivernaux. Les raisons en sont connues, notamment les fragilités du parc nucléaire. De 452 térawattheures en 2005, la production a chuté à 279 térawattheures en 2022. Le pire résultat jamais enregistré dans l’histoire d’EDF, pour cause d’arrêt de réacteurs (32 sur 56 en août 2022), le temps notamment de vérifier et de réparer les phénomènes de « corrosion sous contrainte », un défaut générique découvert fin 2021.
La France n’a certes jamais été indépendante d’un point de vue énergétique. La puissance du nucléaire, telle qu’elle est enseignée dans les manuels d’histoire, laissait pourtant croire, au minimum, qu’elle pouvait l’être durablement sur le plan de l’électricité. L’année 2022 a constitué un réveil d’autant plus douloureux que les prix de l’énergie ont explosé à cause de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais cette année singulièrement compliquée n’est pas un accident, plutôt le résultat de la sédimentation de décisions et d’« errements », comme l’écrit le rapporteur de la commission. « Après un maximum en 2005, la production électrique nationale a stagné les années suivantes et a même commencé à décliner à partir de 2015 avec la baisse progressive de la production nucléaire », constatent ainsi les députés.
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