Télétravail dans le secteur public : attention à "garantir le fonctionnement de proximité des services"

Le télétravail permet d'améliorer les conditions de travail et la performance des agents publics, selon un sondage OpinionWay mené à la fois auprès d'agents publics et d'usagers. Mais la nouvelle modalité de travail comporte aussi pas mal d'écueils. Entre autres, une possible dégradation de la relation avec le public. A l'origine de l'enquête, le groupe de réflexion Le Sens du service public énonce des préconisations.

Après la crise liée au Covid-19 qui lui a donné un coup d'accélérateur, le télétravail est une réalité pour trois agents publics sur dix (en général un ou deux jours par semaine) et ceux-ci sont globalement satisfaits de le pratiquer. Les agents qui y ont recours et qui font partie du panel d'un millier d'agents des trois fonctions publiques (dont un tiers dans le versant territorial) ayant été interrogés en ligne le mois dernier par l'institut OpinionWay, dans le cadre d'une enquête pour le groupe de réflexion Le Sens du service public, attribuent en moyenne la note de 8,1 sur 10 à leur expérience du télétravail. C'est "une note élevée", selon Stéphane Lefebvre-Mazurel, directeur général adjoint d'OpinionWay, qui présentait les résultats du sondage à la presse ce 5 avril. La satisfaction des femmes (8,6) est toutefois plus élevée que celle des hommes (7,3).

Absentéisme réduit

Les agents concernés de la fonction publique mentionnent en moyenne quatre avantages apportés par le télétravail, ce qui "est beaucoup", selon l'expert de l'institut de sondage. Le premier atout, la réduction du temps de transport, est mise en avant par près des trois quarts des télétravailleurs. Au moins la moitié d'entre eux estiment également qu'ils sont dans un environnement professionnel "plus calme" et qu'ils bénéficient d'un "meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle".

Plus des deux tiers des agents constatent en parallèle une amélioration de leur performance : à la clé, le service est rendu de manière plus rapide et plus fiable, selon eux. A noter aussi que 44% des télétravailleurs ont déjà recouru au télétravail "plutôt que de poser un arrêt maladie ou un congé pour garder un enfant malade". La possibilité de travailler à domicile ferait donc reculer l'absentéisme, ce qui serait un bon point pour les employeurs.

Pour autant, les agents qui pratiquent le télétravail et ceux qui ont la possibilité d'y recourir mais ne le font pas (soit au total quatre agents sur dix) rejettent à 80% l'idée de passer en télétravail tous les jours de la semaine. Un refus qui n'est pas sans lien avec les difficultés perçues dans sa mise en œuvre. A 60% ou plus, les télétravailleurs déclarent ainsi rencontrer un "manque de communication interne" et "une cohésion d'équipe insuffisante". La même proportion d'agents déplore un "manque d'équipements dédiés".

Risque d'une "nouvelle fracture sociale"

La moitié affirment par ailleurs éprouver "un sentiment d'iniquité ou d'injustice" vis-à-vis des nombreux agents publics - ils sont six sur dix - qui n'ont pas accès au télétravail. A une très large majorité, ces derniers acceptent le fait de ne pas pouvoir télétravailler car leurs fonctions ne le permettent pas. Pour autant, s'ils en avaient la possibilité, la moitié d'entre eux souhaiteraient travailler à distance. Un résultat qui retient l'attention du Sens du service public. Il ne faudrait pas créer une "nouvelle fracture sociale" entre des "cols blancs" qui peuvent "organiser leur travail de façon autonome" et des "agents en première ligne" qui ont "l’obligation de se déplacer pour exercer des métiers en perte d’attractivité", prévient le groupe d'experts. Lequel met des solutions sur la table : l'enrichissement des missions des agents de terrain - par exemple, un agent d'accueil se voit confier aussi des tâches administratives, qui peuvent être exercées en télétravail - ou encore la semaine de quatre jours (avec le même volume horaire). Cette piste rencontre l'approbation des agents publics, puisque près de huit sur dix considèrent qu'il s'agit d'une bonne "compensation".

Autre point noir lié au télétravail et mis en avant par l'enquête : le "sentiment d'isolement", qu'éprouvent fortement les jeunes télétravailleurs. En effet, 84% d'entre eux se sentent seuls, souvent ou occasionnellement, lorsqu'ils travaillent à distance (contre 46% des agents publics qui télétravaillent).

"Maintenir la présence humaine"

Par ailleurs, certaines des conséquences du télétravail sont décriées par une part non négligeable des agents et des usagers (*) qui déclarent percevoir des changements liés à l'extension de cette modalité de travail. Est surtout pointée la dégradation de "la qualité des relations" entre les administrations et le public. 58% des agents concernés estiment que le télétravail a un tel impact. Cette opinion est partagée par les deux tiers des usagers. Pour le Sens du service public, ces résultats corroborent les mises en garde qu'il a formulées ces derniers temps sur le développement de la dématérialisation et le déploiement du télétravail. Ce dernier doit être conditionné à une "réorganisation du travail" permettant de "maintenir la présence humaine", afin de "rendre le service de proximité" et "garantir l'égalité d'accès aux services publics", estimait le cercle de réflexion dans une récente contribution. Il prônait une revalorisation des fonctions d'accueil, d'orientation et de conseil, et ce "sur tous les canaux", donc également "physiquement". Les experts plaident encore pour les dispositifs d’"aller-vers" (bus itinérants, visites à domicile), ou "ceux qui prennent appui sur des lieux et événements de la vie locale", permettant de "toucher de nouveaux publics".

Les responsables du Sens du service public présenteront "dans les prochains jours" ces résultats et les conclusions qu'ils en tirent au ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini. Le sujet continuera ensuite à faire l'objet de leur attention. Le groupe de réflexion prévoit de réaliser une nouvelle enquête sur le sujet "dans deux ans", l'idée étant de constituer un observatoire du télétravail dans la fonction publique.

*Constitué d'un millier de personnes et représentatif de la population française de 18 ans et plus, l'échantillon d'usagers a été interrogé lui aussi le mois dernier, par questionnaire auto-administré en ligne.