Au moment où l’on se penche une nouvelle fois au chevet de la gouvernance hospitalière pour préciser les conditions dans lesquelles l’actuel directeur pourrait laisser place à un « tandem médecin-directeur », il apparaît urgent de préciser quelle pourrait être la langue commune aux soignants – dont les médecins – et aux personnels administratifs, qui au quotidien unissent leurs efforts au service de nos concitoyens mais peinent parfois à se comprendre. Les difficultés de communication virent parfois à la réelle dispute, chacun accusant l’autre de ne rien entendre et d’être indifférent, qui à la nécessité de moyens pour soigner, qui aux équilibres qui permettent la soutenabilité de notre système de santé.
Quand ces désaccords, parfois instrumentalisés et amplifiés tant la tentation de désigner un bouc émissaire reste forte devant les difficultés, paraissent trop importants, la question de l’équilibre des pouvoirs entre administratifs et médecins est remise sur la table. Faut-il « un seul patron à l’hôpital » ? Et qui doit alors gagner ? La responsabilité de l’un vaut-elle plus que celle de l’autre ? Quelles connaissances et expériences professionnelles légitiment d’être le décideur final ? La réglementation évolue alors, retouche les prérogatives des uns et des autres, et l’ambiance générale reste celle de la concurrence et du rapport de force.
Et s’il était possible d’envisager aussi les choses autrement ? Aujourd’hui, les parcours de formation des soignants et des personnels administratifs – dont les directeurs d’hôpital – sont radicalement distincts. Les médecins ont des connaissances indigentes quant au fonctionnement du système de santé, ce qui rend opaque pour eux leur environnement de travail. Les directeurs d’hôpital reçoivent un mince vernis de présentation des activités soignantes, et n’ont ni une culture scientifique solide ni une formation à ou par la recherche.
Chacun accuse l’autre
Aucun des deux groupes professionnels n’a une réelle formation en santé publique lui permettant de comprendre l’ensemble des déterminants de santé, de prendre du recul sur le système de santé français en le comparant à d’autres, de décrire et de comprendre les cultures professionnelles et leurs histoires, de définir les besoins de santé d’une population, d’évaluer l’apport de telle ou telle organisation des soins. Aucun des deux groupes ne dispose non plus d’une formation suffisante aux concepts éthiques sous-tendant les décisions à prendre pour pouvoir les convoquer explicitement et justifier sur cette base son analyse.
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