Ces menaces qui pèsent sur les emplois industriels en France

La Fabrique de l’Industrie, plateforme de réflexion co-présidée par Louis Gallois, publie un document de travail intitulé "Emplois industriels menacés par la crise énergétique, le MACF et l’IRA : une estimation". Les auteurs, Vincent Chalet, Ahmed Diop et David Lolo y décryptent l’impact de ces trois "menaces qui ont toutes à voir avec la problématique de la décarbonation de l’industrie".

L’industrie européenne se bat sur trois fronts : l’augmentation des coûts de l’énergie, la suppression des quotas gratuits d’émissions de CO₂ du fait de la mise en place du MACF (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) et l’instauration de l’Inflation Reducation Act (IRA) aux Etats-Unis. Voilà dressée la toile de fond de ce "working paper" publié par la Fabrique de l’Industrie et dans lequel les auteurs cherchent à estimer l’ampleur de chacune de ces menaces sur l’emploi industriel en France.

En conjuguant ces trois phénomènes, ce ne sont pas moins de 155.000 emplois industriels qui seraient menacés en France, en dehors, préviennent les auteurs, de toutes créations qui pourraient intervenir dans d’autres secteurs d’activités. Dans le détail, plus des trois quarts de ces emplois (117.000) sont menacés du fait d’un doublement durable des prix de l’énergie en Europe, "tandis qu’ils restent stables dans le reste du monde". Un problème qualifié de "massif" qui doit être traité comme la première urgence du fait de la "forte menace" qu’il fait peser sur notre industrie. "En termes relatifs, note l’étude, les secteurs énergo-intensifs sont les plus exposés", sauf qu’en termes de volume, c’est bien le secteur de l’agroalimentaire qui apparaît comme le plus durement impacté.

"Le MACF touche d’abord les secteurs qu’il est supposé protéger"

En parallèle, 37.500 emplois seraient directement menacés par "les effets négatifs" de la mise en place du MACF qui vise les importations de produits à haute intensité de carbone, notamment à travers la suppression des quotas gratuits sur le système d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne (Seqe). "Le MACF, expliquent les auteurs, touche d’abord les secteurs qu’il est supposé protéger" comme la métallurgie, la production de papier-carton ou la chimie tout en produisant des effets plus modérés pour les secteurs de la sous-traitance.

La troisième menace identifiée vient d’outre-Atlantique : l’IRA, ou Inflation Reduction Act dont les effets pourraient se faire ressentir à plus long terme. Vu des Etats-Unis, il pourrait contribuer à la création de près d’1,5 million d’emplois sur le sol américain dans les dix prochaines années ; tout en dégradant les perspectives européennes en matière d’emplois industriels "par les conditions de marché qu’elle établit aux Etats-Unis". L’IRA viendrait ainsi renforcer l’effet notoire des deux autres menaces "que représentent le maintien de tarifs élevés et peu lisibles de l’énergie ainsi qu’une fiscalité non compensée du carbone". Dit autrement, l’IRA menace de créer un véritable appel d‘air délétère pour certains... mais potentiellement vécu comme une opportunité pour d’autres, au premier rang desquels l’industrie pétrolière.

La métallurgie, l’industrie papetière et la chimie, secteurs les plus à risque en termes de destruction d’emploi

Conjugués, ces trois phénomènes entrainent une détérioration des marges des entreprises concernées qui pèsera sur la compétitivité-prix, sur l’investissement et donc au final sur l’emploi. A fortiori si les Etats-Unis, à travers l’IRA, "déploient des conditions très attractives pour les investisseurs" ! Concrètement, les effets sur l’industrie manufacturière pourraient être contenus (de l’ordre de 6% des effectifs en ETP touchés). Les secteurs les plus exposés à des risques majeurs sont, en pourcentage des effectifs impactés, la métallurgie (33%), l’industrie papetière (20%) et la chimie (16%). Des secteurs, insiste l’étude, qui sont d’autant plus à risque "qu’ils sont menacés par le MACF supposé les protéger".

La forte exposition de l’amont de la chaine de valeur "est sans doute le plus grand enseignement de ce travail d’estimation". A l’heure où décarbonation et souveraineté industrielle sont la nouvelle boussole des politiques publiques, les auteurs s’interrogent sur l’adéquation des outils mis en place pour atteindre les objectifs de la transition écologique de l’industrie française et européenne avec "la question primordiale de la disponibilité d’une énergie décarbonée, fiable et compétitive". "C’est peut-être d’ailleurs là le principal fait à retenir de la récente mise en place de l’IRA aux États-Unis : ce n’est pas tant qu’il menace l’industrie européenne sur son sol, c’est plutôt qu’il présente aux institutions européennes un exemple cruel de passage à l’acte efficace."

 

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